Le samedi 14 septembre, Aimee Barrett-Theron fera son entrée à l'Allianz Stadium, marquant une étape historique en devenant la première femme arbitre à diriger 40 tests.
Aimee Barrett-Theron prendra probablement un moment pour savourer son exploit et pourrait jeter un coup d'œil vers les tribunes de l'Allianz Stadium à la recherche de son frère jumeau, avant de siffler le coup d'envoi du dernier match de préparation du WXV 1 entre l'Angleterre et la Nouvelle-Zélande.
C'est une étape majeure pour l'arbitre sud-africaine et ancienne joueuse des Springbok Women, qui n'en est pas à son coup d'essai, ayant déjà été la première femme à officier lors de matchs de la Currie Cup, du Super Rugby et du United Rugby Championship.
Cet événement revêt une signification particulière, non seulement en raison du lieu emblématique à Twickenham, mais aussi parce que son amie proche et collègue, l'arbitre Sara Cox, rejoindra également le club des 40 tests six jours plus tard.
« C'est tellement spécial », confie Barrett-Theron à World Rugby. « Je vois cela de deux façons. Tout d'abord, c'est un honneur de pouvoir partager ce moment avec Sara Cox, qui est une très bonne amie.
« Nous avons gravi les échelons ensemble. Nous avons commencé notre parcours d'arbitrage en rugby à sept, puis en rugby à XV, et nous avons également officié lors de plusieurs Coupes du monde.
« Lorsque je me rends au Royaume-Uni pour arbitrer des matchs, j'essaie toujours de la voir parce c’est vraiment quelqu'un de bien. C'est donc spécial pour moi, à cet égard.
« Et puis d'un autre côté, c'est incroyable de faire partie du rugby depuis si longtemps. J'ai commencé à jouer en 2005 et j'ai vu le sport évoluer. Aujourd'hui, voir où elle en est et avoir dirigé 40 tests, c'est tout simplement incroyable, car le niveau ne cesse de progresser.
« Vous savez, on fait les dix premiers tests, les dix suivants, on arrive à trente et là nous avons atteint un niveau incroyable. C'est vraiment passionnant. »
Barrett-Theron et Cox ont fait leurs débuts ensemble lors du HSBC USA Women's Sevens à Atlanta en avril 2016, marquant le début de la carrière de Barrett-Theron sur le circuit. Depuis, elles se sont soutenues et encouragées mutuellement.
« Nous restons en contact régulièrement. Nous faisons des appels vidéo et échangeons sur WhatsApp », ajoute Barrett-Theron.
« Je ne qualifierais même pas ça de rivalité ; nous sommes juste deux arbitres qui évoluons dans des environnements dominés par les hommes dans nos pays respectifs. Nous avons aussi partagé de très bons moments ensemble. »
De grands rêves
Comme le laisse entendre Aimee Barrett-Theron, le rugby féminin est arrivé à maturité ces dernières années, les records nationaux de fréquentation tombant partout à travers le monde.
Les organisateurs attendent au moins 40 000 - et peut-être plus de 50 000 - supporters à l'Allianz Stadium samedi pour ce qui sera le troisième test des Red Roses dans ce lieu emblématique en moins de 18 mois.
La Sud-Africaine a vu cette évolution de près, puisqu'elle a participé à la Coupe du Monde Rugby Féminin 2010 en Angleterre, puis a officié lors du tournoi majeur en 2017 puis en 2022.
Barrett-Theron a également été au cœur des grandes affluences de Twickenham, ayant officié en avril dernier devant un public de 58 498 personnes lors du match où l'équipe féminine d'Angleterre a battu la France, établissant ainsi un record mondial pour un test féminin autonome.
« J'ai toujours eu de grands rêves et, en grandissant, je ne me voyais probablement pas comme étant différente en tant que femme », confie-t-elle.
« Je voyais les hommes participer à la Coupe du monde et je me disais : ‘C'est génial, c'est là où je veux être. Je veux aussi faire une Coupe du monde’. Je ne voyais pas vraiment de différence entre les sexes dans le rugby.
« Et maintenant que le rugby féminin s'est tellement développé, je me sens vraiment privilégiée d'en faire partie. »
Cinq mois après ses débuts dans les World Series, et avec seulement trois tournois à son actif, Barrett-Theron a réalisé un de ses rêves de carrière en arbitrant les Jeux olympiques de Rio 2016.
Elle a ensuite dirigé une demi-finale de la Coupe du Monde de Rugby Féminin, un classique entre l'Angleterre et le Canada à Auckland. Elle prévoit de revenir en Angleterre et éventuellement à l'Allianz Stadium l'année prochaine, si elle en a l'opportunité.
« Ayant moi-même participé à une Coupe du Monde et ayant vécu l'expérience de l'autre côté, j’aime vraiment ces compétitions », raconte Barrett-Theron.
« C'est pourquoi le fait d’avoir pu participer aux Jeux olympiques de 2016 sera toujours très important pour moi. Mais j'ai eu la chance de vivre plusieurs étapes importantes, plusieurs expériences vraiment incroyables, et j'espère qu'il y en aura encore beaucoup d'autres. »
L'importance de la préparation
Que Barrett-Theron ait accompli beaucoup de choses depuis ce premier tournoi de rugby à sept en 2016 est évident. Quels sont donc les secrets de sa réussite ?
« Je suis vraiment satisfaite de la préparation que je fais pour les matchs », dit-elle. « La préparation physique, mentale, ainsi que la préparation pour les équipes et leurs différents styles de jeu.
« J'ai la chance d'être arbitre de rugby professionnelle, ce qui me permet de me consacrer pleinement à ce rôle. Beaucoup de gens ne réalisent pas combien de temps nous y consacrons et à quel point nous prenons cela au sérieux, tant dans la préparation que dans le debrief.
« Se revoir en vidéo est toujours compliqué, mais c'est une étape que l'on surmonte en tirant des leçons de chaque match et en cherchant à progresser.
« Vous savez, il y a une grande pression sur les résultats et beaucoup d’attention portée sur l’arbitre. Je pense que j’essaie vraiment de montrer mon côté humain, de mettre en avant que je suis avant tout une personne.
« Sur le terrain, je suis très réaliste avec les joueurs et je leur témoigne beaucoup de respect. Je reste une grande fan au fond de moi, et j'espère que cela se reflète dans ma manière d'arbitrer.
« Je veux vraiment essayer de tirer le meilleur parti du match et permettre aux joueurs de jouer le meilleur rugby possible ».
Des paroles pleines de sagesse
C'est une approche qui l'a menée loin, mais Barrett-Theron a-t-elle un conseil à donner aux officiels de match qui débutent leur carrière d'arbitre ?
« Je pense que la meilleure chose à faire est de se construire de solides fondations », affirme l'arbitre. « Il faut travailler dur, s'entraîner physiquement et réussir le test de condition physique. Sur le terrain, surtout en tant que femme, la première question que l'on se pose souvent est : 'Est-ce qu'elle peut suivre ? Est-elle aussi en forme que moi ?'
« Et puis, il y a l'autre aspect : regarder autant de match que possible, mais pas seulement en tant que supporter de votre équipe. En fait, observez l'arbitre, regardez comment il se déplace sur le terrain et les gestes qu'il fait.
« Je me souviens de certains de mes premiers matchs ; je pensais connaître les gestes, bien sûr, mais en regardant la vidéo, j'ai été horrifiée par ce que je voyais. J'ai dû m'entraîner devant le miroir pour perfectionner les petits détails.
« Enfin, l'un des meilleurs conseils que j'ai reçus dès le début était de ne pas chercher à être parfait. Les erreurs sont le meilleur moyen d'apprendre.
« Je pense que c'est parfois ce qui rend l'arbitrage intimidant : la peur de faire une erreur. On craint de prendre une mauvaise décision ou de changer le cours du match, et de se retrouver sous les critiques de tout le monde.
« En fait, parfois [il est bon de reconnaître], 'Les gars, je me suis trompée' ou 'Je ne l'ai pas vu comme ça' ou 'Je l'ai raté, désolé'. Et vous continuez.
« Dès que nous nous libérons de cette pression, nous sommes un peu plus libres sur le terrain. »
Des paroles pleines de sagesse de la part de l'une des meilleures arbitres du rugby.