Rarement la tâche de l’équipe de France des moins de 20 ans n’aura été si grande. Triples champions du monde, les tenants du titre arrivent en Afrique du Sud pour tenter d’en décrocher un quatrième d’affilée, mais chacun sait que la partie sera loin d’être facile.
Le casse-tête du groupe
La première difficulté pour le manager Sébastien Calvet a été de constituer son groupe. « On récupère des joueurs au compte-goutte », confiait-il à la veille du départ prévu samedi 22 juin. La raison principale en était le déroulement des phases finales du Top 14 ainsi que la constitution du groupe qui devait partir en tournée en Argentine avec le XV de France.
Au final, Fabien Galthié a retenu quatre Bleuets champions du monde pour partir avec l’équipe senior : Posolo Tuilagi, Théo Attissogbe, Léon Darricarrère et Simeli Daunivucu.
Suite à la défaite du Stade Rochelais face au Stade Toulousain, le staff des moins de 20 ans a pu récupérer Nathan Bollengier et Hugo Reus. Retenu avec Toulouse pour préparer la finale du Top 14 du vendredi 28 juin contre l’Union Bordeaux-Bègles, Mathis Castro-Ferreira devrait rejoindre le groupe dès le lendemain.
« On a aussi des joueurs que l’on récupère et qui ont des états de forme qui sont très hétérogènes ; on fait le point avec eux, avec aussi de petites blessures que l’on est en train d’ausculter. Il va falloir partir avec un premier groupe assez conséquent, mais il y aura des arrivées par petits groupes ; on fait au jour le jour », concède Sébastien Calvet.
Des adversaires mieux préparés
La deuxième difficulté, c’est le niveau des adversaires que la France devra affronter en phase de poules. Au premier rang desquels la Nouvelle-Zélande, deuxième match de la poule, tout juste auréolée d’un puissant titre de champion du Rugby Championship U20 obtenu sur la Sunshine Coast australienne début mai.
« Il leur manquait cette expérience collective, on l’a toujours dit », relève le manager en pensant à l’édition 2023 où la France avant battu la Nouvelle-Zélande en poule 35-14, condamnant les Baby Blacks à finir à la 8e place, battus par la Géorgie.
« Oui on les a gagnés, mais ils n’avaient pas eu le même mode de préparation que nous », tente de nuancer Sébastien Calvet. « Cette fois, c’est pas la même. Non seulement ils ont eu le même mode de préparation, mais en plus ils sont revanchards et le sélectionneur connait bien le rugby français, Jono Gibbes (ancien entraîneur de La Rochelle et de l’ASM Clermont et plus récemment pressenti pour venir entraîner le LOU Rugby, ndlr). On va se battre, on est confiant, mais son sait que ce ne sera pas la même équipe qui va nous affronter sur ce deuxième match. »
Mais avant cette rencontre très attendue du 4 juillet qui pourrait déjà décider de l’avenir des deux équipes, l’Espagne sera au programme des Bleuets en lever de rideau le samedi 29 juin.
« On a pu avoir des banques de données vidéo. Les Espagnols sont accrocheurs et très joueurs, c’est une nation qui joue », affirme Calvet qui s’attend à une mise en bouche intéressante pour lancer le mondial.
« Il faudra être fort sur les fondamentaux, en conquête, solide sur les phases de contact pour vraiment prendre le dessus sur cette équipe. Si sur les fondamentaux on pioche un peu – et comme c’est une équipe très joueuse – ils peuvent mettre un peu de panique. Il faudra vraiment les respecter et être forts sur les fondamentaux. »
Le troisième match contre le Pays de Galles le 9 juillet parachèvera l’avenir de la France dans la compétition. La dernière fois que les deux équipes se sont croisées, c’était à l’Arms Park de Cardiff et la France était repartie après une victoire 45-12 le 7 mars dernier.
La légende des Bleuets en Afrique du Sud
La troisième difficulté, enfin, devrait être avec ce nouveau groupe de retourner sur le lieu des exploits du passé. Car même si le groupe est différent – seulement sept joueurs sont de retour – la légende des Bleuets est déjà installée en Afrique du Sud.
« Y retourner, je pense que c’est plutôt positif. Quand on est traumatisé, qu’on a des souvenirs négatifs, ça doit être plus difficile. Nous, on a vécu de très belles choses. Mais il faut aussi être vigilant par rapport à ça », acquiesce Sébastien Calvet.
« Au niveau du staff ça nous donne de la confiance, on sait qu’il y a des joueurs qui vont revivre cette aventure, qui ont des repères et qui vont pouvoir accompagner les nouveaux pour aller beaucoup plus vite. Ce sont des bases qui vont nous permettre d’aller plus vite vers la performance. »
Léo Carbonneau, Mathis Ferté, Thomas Duchêne, Lino Julien, Brent Liufau, Barnabé Massa et Hugo Reus seront les « grands frères » pour ce qui sera leur dernière année avec les U20.
Au même titre que les Lenni Nouchi (capitaine de 2023), Esteban Capilla et Andy Timo (potentiellement olympiens avec France 7 pour les JO de Paris 2024), Paul Costes, Léon Darricarrère, Nicolas Depoortere, Léo Drouet, Marko Gazzotti, Baptiste Jauneau, Oscar Jegou ou Noah Zinzen – tous de la classe 2023 ! - ils deviendront pour la plupart les cadres de leur équipe de club et du XV de France dans les années à venir.
La der du manager
Enfin, pour le manager-entraîneur Sébastien Calvet, cette aventure sera aussi la dernière. Au lendemain de la finale le 19 juillet, quelque soit le résultat, il embrassera une nouvelle carrière au SU Agen, son club de toujours.
« Je ne pars pas par défaut, mais par un vrai choix. Depuis toujours, je suis un manager entraîneur et, de manière très égoïste, ce qui me plait le plus c’est d’être avec les crampons sur le terrain avec les joueurs et le staff », confie-t-il à World Rugby.
« Pendant la Coupe du Monde on est quatre semaines sur le terrain tous les jours, on enchaîne les matchs. Et à la sortie de cette fabuleuse épopée, pendant six mois on ne va pas retrouver les terrains. Ça a été pour moi le révélateur de me dire qu’à 48 ans je ne suis pas encore trop vieux pour vivre de manière égoïste ce plaisir-là si des gens m’en donnent la possibilité.
« Je comptais retenter l’aventure, mais je m’étais fixé après 2027 et Agen s’est proposé en janvier. Tout était réuni pour dire que si je dois repartir un jour, ce serait absurde de ne pas partir maintenant. Mais ce n’était pas prévu. »
Il le dit sans flagornerie, sans la fédération française de rugby (FFR), il n’aurait pas vécu autant de grands moments. Car sa carrière a toujours oscillé entre engagements en clubs et engagements auprès de la fédération.
« Je suis parti entraîner à Montauban, je suis revenu. Je suis parti au centre de formation d’Agen, je suis revenu. Et là aussi, grâce à la compréhension de la fédération, avec des dirigeants et des DTN successifs, j’ai toujours pu aller développer des compétences dans le monde « privé » et la fédération l’a toujours considéré comme une plus-value et m’a toujours permis de revenir.
« Et qui sait ? On ne sait pas de quoi demain sera fait. Je suis parti dans cette aventure où je compte bien faire un bout de chemin. Qui sait, je reviendrais peut-être une quatrième fois à la fédération », sourit-il, avouant que ce poste lui manquera à coups sûrs.