Il n'y a rien de surprenant à ce que Ron Rutland admette que la plus grande émotion qu'il ressentira en arrivant à Paris le 7 septembre sera le soulagement.

Rutland est passé par la World Rugby House à Dublin jeudi 3 août alors qu'il entame la dernière étape de sa Course à la Coupe du Monde de Rugby 2023. C'est la quatrième fois qu'il entreprend une telle prouesse pour se rendre dans ce tournoi majeur.

Le mois prochain, Rutland remettra à l’arbitre le sifflet qui sera utilisé lors du match d'ouverture entre la France et la Nouvelle-Zélande au Stade de France. Et pour y parvenir, il aura réalisé un voyage extraordinaire depuis qu'il a quitté l'Eden Park le 12 novembre dernier.

 Lorsqu'il arrivera à Paris, Rutland aura parcouru environ 22 000 km à vélo à travers la Nouvelle-Zélande, l'Amérique du Sud, le Mexique, les États-Unis et l'Europe, la plupart du temps en solitaire.

Impressionnant à tous points de vue, mais d'autant plus quand on sait qu'il a entamé cette odyssée seulement 35 jours après avoir terminé la Course à la Coupe du Monde de Rugby 2021, au cours de laquelle il a parcouru 16 500 km à vélo, du Japon à la Nouvelle-Zélande.

« C'est tellement bon d'être de retour dans une partie du monde qui m'est familière et, en particulier, une partie du monde qui est aussi impatiente que n'importe qui pour la Coupe du Monde de Rugby », déclare Rutland à World Rugby.

« En plus, je commence à prendre de l'âge et j'ai été sur la route pendant près de 20 mois, pratiquement sans interruption. La fin est donc en vue, mais ça me donne vraiment du peps d'être sur le sol européen. »

DES PAYSAGES INCROYABLES, DES DÉFIS DIFFICILES

Bien qu'il s'agisse de la quatrième Course à la Coupe du Monde de Rugby que Rutland effectue, la traversée à vélo de l'Amérique du Sud et de l'Amérique du Nord lui a présenté des défis qu'il n'avait jamais relevés auparavant.

Son expédition en Amérique du Sud a commencé dans les Andes du Chili et de l'Argentine, mais c'est en Bolivie et au Pérou que la chaîne de montagnes est devenue particulièrement difficile.

Rutland avait passé une semaine à pédaler dans l'Himalaya pour se rendre à la Coupe du Monde de Rugby 2019, mais en longeant les Andes en Bolivie et dans le sud du Pérou, il devait escalader des hauteurs similaires, environ 5 000 mètres. Mais pour une durée près de sept fois plus longue.

« C’était remarquable », confie-t-il. « C'est l'un des paysages et des interactions humaines les plus incroyables... on a presque l'impression de traverser d'anciennes civilisations à vélo.

« Mais vous savez, tout ça a un prix. C'est assez difficile, l'altitude et certaines des conditions météorologiques sauvages qui se produisent à ces altitudes. »

En outre, Ron Rutland a dû modifier ses plans logistiques à une occasion pour éviter de graves inondations et un tremblement de terre en Équateur. « Lorsque des catastrophes naturelles se produisent, je pense que la dernière chose dont les services locaux ont besoin, c'est d'un touriste à vélo", remarque-t-il.

Le voyage de Rutland à travers l'Amérique du Nord s'est déroulé sous une chaleur extrême, mais tout au long de son périple, il a été confronté à d'incroyables manifestations de gentillesse.

Dans le nord du Mexique, par exemple, le Sud-Africain s'est vu offrir un crucifix par un passant alors qu'il se reposait à l'ombre d'un arbre sur le chemin de la frontière avec les États-Unis.

Quel que soit l'éloignement des lieux qu'il visite, il s'efforce d'entrer en contact avec les écoles locales et les communautés de rugby amateurs.

« Parfois, j'oublie presque que j'ai le sifflet sur moi. Ne le dites pas à l'arbitre ! » rigole-t-il.

« Il m'arrive de passer une semaine au milieu de nulle part et de n'avoir personne avec qui partager mon expérience, puis d'arriver dans une école et, grâce à un traducteur, de faire un petit exposé sur le voyage.

« Je sors le sifflet et l'enthousiasme qui se lit sur le visage des jeunes lorsqu'ils voient le sifflet n'a pas de prix. Je me suis rendu compte que, d'une certaine manière, je faisais connaître le tournoi au monde entier. »

« J'AI DÉCIDÉ DE TERMINER CE VOYAGE »

Il y a aussi eu des moments où la tension de cette nouvelle aventure a failli devenir trop forte. Dans ces situations, cependant, il a été encouragé à continuer par l'organisation caritative pour laquelle il pédale, ChildFund Rugby.

L'année dernière, Rutland a récolté 15 000 dollars lors de son périple entre le Japon et la Nouvelle-Zélande et, après avoir suivi le programme dans plusieurs pays du monde, il souhaite récolter une somme encore plus importante cette fois-ci.

« Je suis tombé gravement malade au Costa Rica et j'ai dû m'absenter deux semaines, ce qui m'a fait prendre du retard. Je commençais à me dire que les choses commençaient à mal tourner du point de vue de la santé physique », explique-t-il.

« C'est la première fois dans mon parcours, dans tous les défis que j'ai relevés, que j'ai vraiment douté que j'arriverais au bout.

« Je pense que c'est mon voyage et mon aventure et que rien ne m'empêche de dire stop, de prendre un vol direct pour Londres et d'y rester quelques mois avant de rejoindre Paris à vélo.

« Mais j'ai pris mes responsabilités et j'ai décidé de terminer ce voyage. Pour être tout à fait honnête, j'ai passé quelques coups de fil à Chris de ChildFund Rugby et je lui ai fait part de mes inquiétudes et du fait que j'avais un peu de mal.

« C'est difficile à expliquer, mais ça m'a rappelé à quel point ce voyage était important pour les personnes que j'essaie de soutenir, les jeunes de ChildFund Rugby. Les messages que je reçois directement d'eux et par l'intermédiaire de Chris me font dire : "Comment pourrais-je ne pas terminer cette aventure correctement ? »

L'aventure du Sud-Africain devrait se poursuivre dimanche 5 août, lorsqu'il se dirigera vers le nord, de Dublin à Belfast, accompagné par un club cycliste local, Sandymount Dodder Wheelers.

« L'accueil que j'ai reçu en Irlande a été incroyable. Il y a une véritable effervescence ici à l'approche de la Coupe du Monde de Rugby. Avec 60 000 supporters qui se rendront en France depuis l'Irlande, ce sera un tournoi exceptionnel. J'ai également hâte de monter à Belfast dimanche et lundi en compagnie des Sandymount Dodder Wheelers. Ce sera sympa. »

L'Irlande est le cinquième pays visité par Rutland dans son périple actuel - après la Nouvelle-Zélande, le Chili, l'Argentine et l'Uruguay - qui s'est qualifié pour la Coupe Monde 2023, et il en visitera quatre autres avant la fin de sa course.

Rutland doit se rendre en Écosse, au Pays de Galles et en Angleterre avant une dernière étape qui le mènera de Twickenham au Stade de France dans le cadre d'une randonnée en groupe.

Interrogé sur ce qu'il ressentira lorsqu'il atteindra sa destination finale, le Sud-Africain répond : « C'est un cliché, mais ce sera un soulagement d'avoir réussi ce voyage avec tous les défis, ceux du Covid au départ, les défis physiques et tous ceux qui ont été frôlés. »

Rutland ajoute : « Être chargé de transmettre le sifflet du match, je me pince encore pour y croire. »