Parmi les candidats pour accompagner la montée en puissance du XV de Sakura, la Japan Rugby Football Union a déniché l'un des plus pertinents en désignant l'entraîneur Simon Middleton en qualité de conseiller à la haute performance.

Nommé Entraîneur World Rugby de l'Année en 2021, Middleton a remporté cinq Grands Chelems et six Tournois des Six Nations féminins au cours de ses sept années de règne en tant qu'entraîneur principal de l'équipe d'Angleterre.

Le dernier titre en date a été remporté il y a moins de quatre mois, devant 58 498 spectateurs, un record à ce moment-là, alors que les fans se pressaient dans les tribunes de Twickenham pour assister à une victoire palpitante 38-33 contre la France.

Depuis qu'il a accepté d’endosser le costume en 2016, Middleton a transformé les Red Roses en l'équipe la plus dominatrice du rugby mondial, une victoire en Coupe du Monde de Rugby étant la seule chose qui manque à son CV exceptionnel après deux défaites en finale.

Mais plutôt que de tirer sa révérence et de consacrer ses journées à la pêche, Simon Middleton a compris que ce n'était pas un changement de carrière qu'il souhaitait, mais simplement un défi différent dans le rugby.

Les discussions avec Nicky Ponsford, responsable de la haute performance féminine à World Rugby, son ancienne patronne à la RFU, avaient commencé pendant la Coupe du Monde de Rugby 2021 lorsque Middleton lui a fait savoir qu'il quitterait bientôt son poste d'entraîneur en chef des Red Roses et qu'il réfléchissait aux options qui s'offriraient à lui.

« Il y avait quelques postes à temps plein qui étaient très attrayants mais pas ce que je recherchais, je ne voulais surtout pas revenir à l'entraînement à temps plein - certainement pas en tant qu'entraîneur en chef du moins - et l'autre option était un travail de consultant, en arrivant dans des programmes de haute performance et en essayant de les aider à progresser », explique-t-il.

« Le Japon m'a paru évident parce que c'est une culture tellement différente. J'avais déjà rencontré Lesley McKenzie (l'entraîneure du XV de Sakura) et j'avais été très impressionné par ses qualités d'entraîneure et de personne. »

Ayant travaillé au plus haut niveau du rugby féminin, Simon Middleton est emballé par la perspective d'aider l'une des nations du rugby féminin qui progressent le plus vite au monde à exploiter son « énorme potentiel ».

LE WXV - « UN CONCEPT GÉNIAL »

L'homme de 57 ans, originaire du Yorkshire, a fait ses premiers pas avec le Japon en assistant McKenzie sur la victoire 72-0 contre le Kazakhstan lors de la finale du Asia Rugby Women's Championship à la fin du mois de mai, qui a également permis aux Japonaises de se qualifier pour le WXV 2.

Il se trouve actuellement en Espagne avec l'équipe pour leur tournée de deux tests et restera impliqué jusqu'à la fin du WXV 2, le deuxième niveau du nouveau tournoi féminin mondial de World Rugby, le 28 octobre.

Outre l'Afrique du Sud, pays hôte de cette compétition, la présence de l'Écosse dans ce championnat à six équipes a été confirmée par sa quatrième place dans le Tournoi des Six Nations féminin. Les Samoa ont rejoint ces premières équipes en qualité de vainqueur du Oceania Rugby Women's Championship en juin dernier. Les deux places restantes seront pourvues dans le courant du mois.

Simon Middleton estime que le WXV fera partie intégrante de la progression du XV de Sakura, car il permettra d'organiser plus régulièrement des matchs contre des équipes de niveau similaire.

« Je trouve que c'est un concept génial, pas seulement pour les équipes des niveaux 2 et 3 ; je pense que le niveau 1 en avait désespérément besoin aussi, parce que je considère que plus on a de matchs contre des équipes de l'hémisphère sud, mieux c'est », dit-il.

« En ce qui concerne le niveau 1, je pense que c'est une excellente occasion pour le Canada de se relancer après la Coupe du monde et pour le Pays de Galles de se tester au niveau supérieur sur une base plus régulière.

« En ce qui concerne les niveaux 2 et 3, certains pensent que pour progresser, il faut jouer contre des équipes comme l'Angleterre, la Nouvelle-Zélande et la France pour progresser.

« Mais à l'heure actuelle, nous (le Japon) n'avons pas besoin de ça. Un test de temps en temps, c'est bien, mais ce qu'il faut faire, c'est d'abord trouver le juste milieu, et le WXV vous donne l'occasion de le faire, et en quelque sorte de voir où vous en êtes avant d'envisager de passer à l'échelon supérieur.

« Pour le Japon, si l'on regarde les matchs de la Coupe du Monde, pendant 60 minutes contre l'Italie et 60 minutes contre les États-Unis, les joueuses étaient bien dans le match mais elles n'ont pas réussi à finir. Et contre le Canada, elles ont été compétitives mais étaient clairement loin du compte.

« Le WXV permettra d'avoir des matchs plus consistants dans un scénario compétitif où vous pourrez vraiment construire votre jeu. »

RENFORCER LES « SUPERS POINTS FORTS » DU JAPON

En ce qui concerne la défense, une spécialité de Middleton qui remonte à l'époque où il était entraîneur à Leeds il y a vingt ans, celui-ci estime que le Japon n'a pratiquement pas d'équivalent d'un point de vue technique.

Aujourd'hui, grâce à son rôle de consultant, il espère les aider à combler leur retard dans d'autres domaines pour que les féminines puissent suivre la progression fulgurante des Brave Blossoms et faire tomber certaines des équipes les mieux classées afin de se qualifier pour les quarts de finale de la Coupe World de Rugby.

« Je pense qu'elles vont devoir être très efficaces sur le plan tactique et jouer vraiment sur leurs points forts, et c'est là que Lesley est très bonne, car il y a une disparité physique contre la plupart des équipes qui prendra un certain temps pour être surmontée en raison de l'état d'avancement des programmes en termes de développement et aussi de la physionomie des joueuses japonaises », poursuit-il.

« Mais l'une des choses qui m'ont vraiment impressionné lorsque je les ai rencontrées au Kazakhstan, c'est la qualité technique de leurs points forts ; elles sont bonnes défensivement - aussi bonnes que n'importe quelle équipe que j'ai vue, techniquement - meilleures que l'Angleterre, meilleures que n'importe quelle équipe que j'ai entraînée.

« Leurs techniques individuelles sont vraiment bonnes, les prises de balle, les passes et les choses comme ça, donc il y a quelques points forts là-dedans, qu'elles rendent super forts. Je pense que le potentiel est énorme.

« Comme la plupart des programmes, elles ont un certain nombre de défis à relever, et la plupart d'entre eux tournent autour de l’étendue du réservoir de joueuses. Comme la plupart des équipes de niveau 2, ils partagent des joueuses avec le rugby à sept, et le rugby à sept fait partie intégrante du programme japonais, la qualification olympique, etc. est l'une de leurs principales priorités.

« Mais c'est l'une des choses que je peux, je l'espère, aider à orienter parce que c'est quelque chose que nous avons vécu - comment vous utilisez vos joueuses ; comment vous planifiez et établissez des priorités pour vous donner les meilleures chances d'avoir vos meilleures joueuses disponibles pour les grands tournois ; comment vous vous assurez que vous gérez les joueuses de manière appropriée parce que, en termes de charge de travail et de physionomie du jeu, le rugby à sept et le rugby à XV sont très différents. »

LA CLÉ EST DE COMBLER LE FOSSÉ

Après avoir passé les sept dernières années à faire en sorte que l'équipe féminine d'Angleterre entraîne tous les autres dans son sillage, Middleton sait que pour que l'équipe féminine du Japon poursuive sa trajectoire ascendante, le reste du monde doit rattraper son retard sur les trois « grands », comme il qualifie les Red Roses, la Nouvelle-Zélande et la France.

« Je pense que le Canada a montré lors de la Coupe du monde qu'en augmentant un peu sa force en profondeur, en particulier dans la ligne arrière, l'équipe n'est pas loin de constituer une menace permanente parce qu'elle a un pack qui peut rivaliser avec n'importe qui dans le monde », affirme-t-il.

« C'est formidable de voir le Pays de Galles commencer à réduire l'écart. C'est un bon exemple de ce que l'on peut faire si l'on se mobilise autour d'un programme. Je viens de passer deux semaines avec Ioan Cunningham et Huw Bevan (de la WRU) lors d'une conférence de World Rugby à Los Angeles.

« Si nous pouvons intégrer certaines nations moins bien placées et transformer ce top 3 en un top 6 / top 8 - j'adorerais voir le PAC4 devenir le PAC6 - où les joueuses sont en compétition les unes contre les autres, le rugby s'en portera beaucoup mieux. »

Tout d'abord, le Japon cherchera à faire ses preuves face à l'Espagne, une équipe qu'il pourrait bien rencontrer lors du WXV 2 si Las Leonas éliminent l'Italie lors d'un match de barrage européen.

La dernière rencontre entre le Japon et l'Espagne remonte à 21 ans, à l'époque où Middleton raccrochait les crampons après une carrière d'ailier. Ce match, comme le premier neuf ans plus tôt, ne fut pas une réussite. Le Japon n'avait pas réussi à marquer le moindre point lors de ces deux rencontres, qui s'étaient soldées par des défaites de 32 à 0 et de 62 à 0.

Mais l'équipe du Japon d'aujourd'hui est à des années-lumière de celle de l'époque, et elle occupe une place et quelques points de classement de mieux que Las Leonas dans le classement mondial féminin World Rugby présenté par Capgemini, juste à l'extérieur du top 10.

« Nous allons voir si nous pouvons nous inspirer de ce que nous avons fait contre le Kazakhstan, quand nous nous sommes entraînés et quand nous avons joué entre nous, et voir ce que ça donne contre des adversaires plus forts », indique Middleton.

« Lesley a recruté une demi-douzaine de nouvelles joueuses, il s'agit donc de voir la qualité des joueuses dans l'ensemble de l'effectif.

« En ce qui me concerne, il faudra continuer à apprendre à connaître le staff et son mode de fonctionnement. Nous avons parlé de certains aspects après le Kazakhstan que nous voulons analyser, de la façon dont nous travaillons sur la gestion du groupe et, en fin de compte, c'est l'essence même de mon rôle.

« Je travaillerai également comme entraîneur, car il y a quelques trous dans le staff qui doivent être comblés pour le moment, en ce qui concerne les arrières par exemple, et je travaille aussi avec Lesley sur certains domaines qu'elle a identifiés comme n'étant pas ses points forts, mais qu'elle souhaite améliorer. »

SOUTENIR LA CROISSANCE DU RUGBY

Après avoir vécu l'émotion de mener l'équipe féminine d'Angleterre vers le titre après un match historique contre la France et ce qu'il décrit comme « l'apogée de sa carrière », Middleton aurait pu facilement opter pour une vie plus tranquille, sur le bord d'une rivière quelque part, mais il reste motivé pour aider à mettre le rugby féminin dans une trajectoire encore meilleure.

« Le dernier jour contre la France a été incroyable, c'est l'un des meilleurs jours, si ce n'est le meilleur, que j'ai vécu dans le rugby. C'était un véritable sommet, mais il arrive un moment où l'on a besoin d'un nouveau défi et de voir d'autres choses, et c'est le cas », reconnaît-il.

« Il y a tellement d'aspects différents - la barrière de la langue, les aspects culturels, la physionomie de l'équipe, les différentes techniques de l'équipe... tout cela constitue un très bon défi et un scénario passionnant.

« Cette option particulière était géniale parce que non seulement elle est différente, mais elle vous permet aussi d'utiliser ce que vous avez appris pour aider les autres.

« Je voulais changer de niveau. À part gagner une Coupe du monde, je ne pense pas pouvoir faire grand-chose de plus en tant qu'entraîneur en chef ou exercer une influence depuis le sommet. J'ai donc pensé que ce serait formidable de revenir à un niveau inférieur et de soutenir l'un de ces programmes pour voir si je pouvais faire la différence et contribuer à combler le fossé et à améliorer le rugby sur tous les plans. »