Bien sur il y a les neuf essais, dont six en seconde mi-temps. Et aussi aucun essai encaissé par les Françaises pour ce deuxième match consécutif. La large victoire 55-0 du XV de France féminin face à l’Ecosse devant les 10 044 spectateurs du Stade de la Rabine à Vannes a fait briller encore un peu plus le soleil qui inondait la pelouse.
Mais à y regarder de plus près, les deux mi-temps ont semblé très inégales, les Tricolores montrant deux visages. L’un timide, l’autre déterminé. Deux salles, deux ambiances.
« Il y a vraiment une première mi-temps un peu en-deçà, avec certes trois essais marqués, mais trois essais en contre-attaque, peu construits, où on a plutôt profité des erreurs écossaises qui, elles pour le coup, ont réalisé une très bonne première mi-temps mais n’ont pas été récompensées de leurs efforts, de leurs prises d’initiative », abonde Laura Di Muzio, commentatrice du rugby féminin pour France Télévisions.
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— RugbyPass FR 🇫🇷 (@RugbyPass_FR) April 16, 2023
« Il a fallu attendre ces quarante premières minutes de chauffe. Et ensuite, on a été servi et régalé en deuxième mi-temps. Il y a eu deux visages dans ce match, mais heureusement on est monté en puissance. J’ai eu un peu peur à la pause, peur qu’on en reste là avec une équipe un peu timorée, qui avait perdu de son agressivité en défense, qui profitait des erreurs écossaises. Mais elles ont su reprendre la deuxième mi-temps de la bonne façon avec cette montée agressive qui leur a permis d’étouffer les Ecossaises qui n’ont plus eu aucun espoir alors qu’elles auraient pu en avoir en première. »
Comme contre l’Italie lors de la première journée – et donc en ouverture du Tournoi -, les Françaises ont eu du mal à démarrer pied au plancher. « L’Italie, c’était un peu le même scénario », reconnaît Laura. « On sent que dans cette équipe, physiquement et tactiquement, dès qu’elles accélèrent elles mettent du danger. Mais il y avait cette retenue, cette peur de se tromper, cette peur d’échouer. Il a fallu attendre de se libérer avec ces trois essais d’avance, pour lâcher les chevaux complètement alors qu’elles ont parfaitement les armes ; il n’y a pas de doute à avoir dès la première minute. Face à des filles qui s’accrochent, on a eu du mal. »
La veille, les Galloises avaient pareillement accroché les Anglaises pendant les 25 premières minutes, avant de flancher et de laisser le match leur échapper complètement (3-59). Le Pays de Galles, prochain adversaire des Bleues le 23 avril au Stade des Alpes, pourrait être tenté de mettre le turbo dès le début face à des Françaises en mode diesel.
« En fait, ça a été le scénario identique avec le match Pays de Galles – Angleterre avec une première mi-temps anormalement accrochée, par rapport à ce qu’on a l’habitude de voir lorsque c’est l’Angleterre qui prend le Pays de Galles, mais parce qu’en effet les Galloises jouent crânement leurs chances. Mais non, il n’y a pas d’inquiétude pour l’équipe de France. Peut-être que la première demi-heure sera un peu plus difficile, on risque d’avoir des petits soucis. Mais je ne suis pas inquiète. Même si à la mi-temps le score n’est pas très large, sur la durée c’est une équipe que l’ont doit physiquement dominer », rassure Laura Di Muzio.
LES BLEUES EN MODE COMBAT
Les Bleues ont été conquérantes avec 147 ballons portés (contre 128) et 1 076 mètres parcourus (contre 687), déployant leur jeu (13 offloads contre 6), franchissant les lignes (19 à 4) dès que l’occasion se présentait… Pourtant, les Ecossaises avaient la possession (51% sur l’ensemble du match). Mais c’est le pragmatisme des Françaises qui a fait toute la différence, marquant une moyenne de 3,4 essais à chaque visite dans les 22 adverses, soit un ratio légèrement inférieur à ce qu’elles avaient vécu contre l’Irlande (3,8) deux semaines auparavant.
« C’est même impressionnant d’avoir une telle efficacité, notamment dans cette première mi-temps où elles étaient mises à mal et où elles auraient pu trembler en se trouvant devant la ligne », remarque la commentatrice.
« Mais cette efficacité, ce pragmatisme rassure. Même quand tu as du mal à mettre ton jeu en place, au moins quand tu es chez l’adversaire, tu fais mouche, chose que n’ont pas réussi à faire les Ecossaises. A un moment, la stat est impressionnante : elles sont à 75% de possession de balle et ne marquent pas un point ! C’est un élément sur lequel on pourra s’appuyer car ce sera fondamental contre l’Angleterre. Quand tu viens dans les 22, il faut marquer. On n’aura pas le choix.
« Pour moi la défense a été le très bon point de la deuxième mi-temps. C’est une équipe qui s’est construite, humble et affamée, sur cette agressivité défensive et qui a besoin de se rassurer. Mais en première mi-temps, je trouve qu’on a manqué de cette défense collective. En un contre un, dans les duels, les filles n’étaient pas très inquiétées. Mais c’était plus collectivement que ça ne montait pas à pleine vitesse, que ça manquait d’agressivité et ça a fait la différence. Elles ont ensuite basculé en mode combat et c’était impressionnant à voir : le rideau blanc remontait et les Ecossaises reculaient, sans solution. »
Mention spéciale à la Blagnacaise Mélissande Llorens qui, pour sa première titularisation, a été élue « Joueuse du Match » après avoir marqué un essai, transmis deux passes décisives, parcouru 113 mètres ballons en main, réalisé deux offloads et cassé cinq plaquages.
« Elle a beaucoup apporté sur son aile, beaucoup de vitesse, cette capacité aussi à créer des espaces, à avoir les gestes justes », dit d’elle Laura Di Muzio qui s’avoue « impressionnée » par la trois-quarts aile. « Je connaissais déjà ses qualités, mais là je trouve que c’était difficile de gérer une telle entrée dans la mesure où, avant, les joueuses avaient fait deux super matchs.
« J’ai aussi adoré Yllana Brosseau, même si en mêlée il y a une fois où elle a été pénalisée. Mais en tant que pilier, défensivement en première mi-temps, c’est une joueuse qui savait mettre des plaquages offensifs et faire avancer la ligne. Je trouve qu’elle a fait une belle partie. Elle a pesé dans le jeu.
« Je veux souligner aussi Axelle Berthoumieu qui fait un très bon début de Tournoi. C’est une joueuse qui a souvent été sur le banc, dans l’ombre des troisième-lignes. Et là, par le jeu des blessures et des rotations, elle est titulaire depuis trois matchs et je trouve qu’elle apporte beaucoup. Elle est très active, elle est partout. Elle mérite d’être citée en tant que joueuse qui fait un très bon match. »
Photo : France Rugby