C’était le samedi 29 octobre 2022 sur la pelouse du Northland Events Centre de Whangarei. La France et l’Italie s’affrontaient pour décrocher une place en demi-finale de la Coupe du Monde de Rugby 2021 (jouée en 2022). Les deux équipes avaient terminé deuxième de leur poule avec déjà trois matchs dans les jambes.

La France avait attaqué très fort avec un essai de l’ailière Joanna Grisez à la 3e minute, magnifiquement servie par l’arrière Emilie Boulard, avant de marquer le pas jusqu’à la pause jusqu’à encaisser une pénalité. A quatre points d’écart, l’issue du match était très incertaine.

Il aura fallu attendre l’heure de jeu pour que la France se détache vraiment, que Grisez complète son triplé, que la remplaçante Laure Touye marque et que Caroline Drouin puis Lina Queyroi assurent devant les perches pour mener le score à 39-3.

« On sait très bien que ce ne sera pas du tout le même match parce que lorsqu’on les a rencontrées en quart de finale, elles venaient déjà de faire une grosse compétition », prévenait Gaëlle Mignot dans une récente interview à World Rugby. « Nous, on avait un peu plus d'expérience et on est passé là-dessus. Mais là, ça va être un match sec, chez elles directement. On se méfie énormément de cette équipe qui est vraiment une force en présence de ce Tournoi des Six Nations. »

Et Gaëlle sait pourquoi il faut se méfier. La France, troisième au classement mondial, a remporté son match de la première journée lors de 10 des 13 dernières éditions du Tournoi des Six Nations féminin. Mais l'une de ses trois premières défaites dans cette période est survenue contre l'Italie, par un seul point en 2013 (13-12).

2022 a été une année contrastée pour les deux équipes : neuf victoires en 13 matchs pour la France (dont une défaite contre l’Italie en match de préparation à la RWC 2021 à Biella quelques semaines auparavant), cinq victoires en douze rencontres pour l’Italie pour finir en quart de finale d’une Coupe du Monde de Rugby pour la première fois de son histoire.

L’Italie, cinquième au classement mondial World Rugby présenté par Capgemini, est de plus en plus une équipe capable de rivaliser face aux meilleures équipes mondiales.

Deux voisines

Ce match du dimanche 26 mars 2023 sera le 26e de leur histoire commune depuis le 17 mai 1987 à Rome, avec une nette domination des Françaises : 20 victoires à cinq. Il s'agira de leur deuxième rencontre au stade Sergio Lanfranchi de Parme où la France s'était imposée 28-5 en mars 2017.

La France a remporté 12 de ses 15 matchs contre l'Italie dans le Tournoi des Six Nations féminin et notamment l’année dernière, 39-6 à Grenoble. Madoussou Fall, Emeline Gros, Lea Murie, Emilie Boulard et Chloé Jacquet y ont marqué les essais de la France lors de cette victoire. Les deux pénalités de Michela Sillari ont été la seule réponse de l'Italie.

La dernière victoire de l'Italie contre la France dans le Tournoi remonte à mars 2019, 31-12 à Padoue, où elles ont enregistré leur meilleur classement, à savoir la deuxième place du Tournoi des Six Nations féminin.
Cette victoire a mis fin à une série de quatre matchs perdus contre la France et a également été le plus grand nombre de points marqués par l'Italie contre les Bleues et sa plus grande marge de victoire.

Si on élargit la focale, les cinq victoires de l'Italie sur la France ont toutes eu lieu à domicile - à Mira (1998), Brescia (2013), Badia Polesine (2015), Padoue (2019) et Biella (2022) – dans une accélération du calendrier ces dernières années : quatre des cinq victoires de l'Italie ont eu lieu en 2013, 2015, 2019 et 2022.

Ces deux équipes se connaissent très bien et pas seulement parce qu’elles se sont affrontées à quatre reprises en 2022 (nombre record). Trois pépites de la squadra ont un lien très fort avec la France : la deuxième-ligne Valeria Fedrighi (40 sélections) évolue au Stade Toulousain avec Pauline Bourdon et Gaëlle Hermet, la troisième-ligne Francesca Sgorbini (17 sélections) à l’ASM Romagnat Rugby Féminin avec Jessy Trémoulière, club que vient de quitter la deuxième-ligne Sara Tounesi (26 sélections) pour Sale.

Une rencontre physique aux styles opposés

Pour autant, le style de jeu de ces deux nations voisines se distingue nettement. La France a par exemple marqué quatre essais provenant d'une mêlée lors de la compétition de l'année dernière, plus que toute autre équipe, tandis que l'Italie a été l'une des deux seules équipes à ne pas marquer d'essai de cette manière lors du Tournoi 2022.

De plus, l'Italie a effectué le plus grand nombre de plaquages de toutes les nations du Tournoi des Six Nations féminin en 2022 (846), mais la France a été l'une des deux seules équipes à avoir un taux de réussite des plaquages supérieur à 90 % dans le Tournoi l'an dernier (l'Angleterre était l'autre avec 91 %).

Troisièmement, la France a opté pour le renvoi au pied plus souvent que n'importe quelle autre nation du Tournoi l'an dernier (108), réalisant au passage le plus grand nombre de mètres bottés (3 090), alors que l'Italie a effectué le moins de coups de pied (59) et le moins de mètres bottés (1 567) de toutes les équipes.

Statistiquement, pour ce 26e duel, la meilleure mêlée sera opposée à la pire puisque les Bleues ont été classées premières en 2022 avec un taux de réussite de 92 % et l'Italie a été dernière (74 %). Il en va de même pour les rucks : la France est première avec 97,3 % de réussite et l'Italie dernière avec 95,3 %.

L'Italie a également été l'équipe la moins efficace dans la compétition de l'année dernière, générant en moyenne 1,3 point à chaque visite dans les 22 mètres adverses.

La France est l'équipe qui a effectué le moins de ballons portés par match (87) et qui a parcouru le moins de mètres (592) dans le Tournoi 2022. La moyenne de 14,6 turnovers concédés par la France par match a été la plus élevée de l'année dernière.

Du changement

Cette édition 2023 du Tournoi marquera une nouvelle ère pour les deux équipes tant les effectifs sont renouvelés. Déjà, les deux équipes sont dirigées par de nouveaux entraîneurs. Un duo pour le XV de France féminin - l'ancienne capitaine Gaëlle Mignot et David Ortiz, qui étaient entraîneurs adjoints de Thomas Darracq lors de la Coupe du Monde de Rugby 2021 et un ancien joueur pour l’Italie - Giovanni Raineri (23 sélections entre 1998 et 2003) qui a été nommé en décembre, en remplacement d'Andrea Di Giandomenico qui avait dirigé les Azzurre pendant 12 ans.
Côté joueuses aussi plusieurs figures seront absentes. L'Italie a fait ses adieux à deux légendes des Azzurre, Manuela Furlan et Melissa Bettoni, qui ont annoncé leur retraite au début du mois de mars, mais la joueuse la plus capée, Sara Barattin, reste dans le groupe italien pour le Tournoi des Six Nations féminin.

La France a également vu quelques piliers prendre leur retraite après la Coupe du Monde de Rugby 2021 : Safi N'Diaye, Céline Ferer, Marjorie Mayans et Laure Sansus.

Une autre raccrochera les crampons à la fin du Tournoi des Six Nations féminin en la personne de Jessy Trémoulière (73 sélections) pour se concentrer sur l'exploitation de la ferme familiale. Jessy a enregistré le deuxième meilleur taux de tirs au but (92 %) l’année dernière, juste derrière Michela Sillari a réussi chacun de ses huit tirs au but, étant la seule joueuse à enregistrer un taux de réussite de 100 %.

Les Bleues changement également de capitaine, Audrey Forlani (57 sélections) prenant la suite de Gaëlle Hermet (appelée sur le banc des remplaçantes), tandis qu'Elisa Giordano reste capitaine de l'Italie après la retraite de Furlan.

L’Italie a fait le choix d’aligner quatre joueuses non qualifiées dans son équipe pour préparer les deux premiers tours contre l'Angleterre et la France : Laura Gurioli, Alice Cassaghi, Alessia Gronda et Mathilde Cheval. De son côté, la France veut voir briller la demie d’ouverture Carla Arbez, la troisième-ligne aile Léa Champon, la deuxième-ligne Maelle Picut, la talonneuse Elisa Riffonneau et la demie de mêlée Margaux Duces.