Cela fait 50 ans que le rugby fait partie intégrante de ma vie. Entre mes débuts à l’UA Gaillac, mon club formateur, en 1974 et ma dernière expérience en tant qu’entraîneur au RC Toulon, entre 2011 et 2016, ce sport que nous aimons tous a profondément changé. Aujourd’hui administrateur, je constate le chemin parcouru par nos prédécesseurs et les évolutions que le rugby a connues au fil des années. Plus que jamais, notre sport doit savoir s’adapter pour continuer à grandir et évoluer. 
 
Depuis sa professionnalisation, le rugby a réalisé d’immenses progrès pour préserver le bien-être et la santé de nos joueurs, s'appuyant systématiquement sur les avancées de la science et les recherches connues. En véritable pionnier, le rugby a introduit de nouvelles méthodes pour identifier, gérer et prévenir les impacts à la tête et les commotions cérébrales, au niveau professionnel comme au niveau amateur. On compte parmi elles le protocole commotion, le retour progressif au jeu et le programme de prévention des blessures par l’échauffement Activate. Ces nouvelles pratiques sont aujourd’hui reconnues et répliquées dans d’autres sports. 

Au cours des derniers mois, nous avons lancé avec World Rugby la plus grande étude jamais réalisée sur le risque de commotion au niveau amateur, en utilisant des protège-dents connectés pour comprendre les chocs à la tête. Cette étude, menée en partenariat avec l'Université d'Otago en Nouvelle-Zélande et appliquée à toutes les catégories d’âge et de sexe, démontre à quel point l’investissement dans les nouvelles technologies peut nous aider à mieux protéger les joueurs. Il nous est aujourd’hui impossible de rester impassibles face à ces dernières prises de conscience.

Tout au long de mon expérience au sein de l’ovalie, j'ai pu observer l’ensemble des avantages qu’offre le rugby à ses joueurs au cours de leur vie, en France et partout dans le monde. Il aide à développer la confiance en soi et la notion d’engagement dans un collectif. Il apporte d'immenses bienfaits pour la santé, physique et mentale. Surtout, il crée des amitiés, une famille sur laquelle on peut compter dans les bons comme dans les mauvais moments. Au cœur d’une pandémie mondiale, ces atouts ne sont pas anodins…

Comme tous les sports, le rugby n'est pas un jeu sans risque. Néanmoins, c'est un sport qui se soucie profondément de ses joueuses et de ses joueurs en leur donnant la priorité, notamment en cas de blessures à la tête. Nous agissons pour que les parents se sentent en sécurité et souhaitent que leurs enfants continuent de pratiquer le rugby dans nos écoles.

Aujourd'hui et conformément à notre vision, World Rugby annonce la prochaine étape de notre plan d’action pour protéger la santé des joueurs et développer ce sport que nous aimons tous. À l’origine de ce projet, il y a une promesse : nous ne serons jamais passifs dans la recherche du bien-être de nos joueuses et de nos joueurs. Notre ambition est de faire du rugby le sport le plus progressiste au monde sur ce sujet et pour y arriver, nous suivrons six grands axes.

Premièrement, le soutien aux anciens joueurs, dont certains se sont récemment manifestés pour témoigner de leurs difficultés à s'adapter à la vie après le rugby professionnel. Mes collègues de World Rugby et moi-même nous sommes rapprochés d’eux et les avons écoutés. En collaboration avec nos fédérations membres et l'International Rugby Players (IRP), nous voulons nous assurer qu'aucun ancien joueur et ancienne joueuse, ni aucun de leurs proches, ne souffre ou ne s'inquiète en silence. 

Deuxièmement, nous continuerons à investir dans la recherche scientifique au niveau amateur comme au niveau professionnel, en particulier sur les conséquences des blessures à la tête. Nous allons doubler notre investissement annuel dans la santé des joueurs, afin de travailler avec un plus grand nombre de chercheurs et d’instituts et développer significativement notre connaissance du sujet. Cela nous amènera également à adopter de nouvelles technologies comme le suivi oculaire dans le diagnostic des commotions ou encore les protège-dents connectés pour surveiller les chocs en temps réel.

Troisièmement, nous continuerons d’examiner et de moderniser les règles du jeu pour donner la priorité au bien-être des joueurs. À partir du 1er août, nous expérimenterons plusieurs modifications à l’échelle mondiale, y compris la règle des 50/22 testée avec succès lors d’essais en Australie. Ces modifications ont l'ambition de créer plus d'espace sur le terrain et de réduire la vitesse de la ligne défensive, réduisant ainsi la fréquence et l'intensité des contacts.  

Quatrièmement, nous nous engageons à adapter notre approche aux spécificités du rugby féminin. La pratique féminine représente la plus belle opportunité de développer notre sport et nous voulons axer notre démarche sur des données fournies par la science, sans nous contenter de répliquer ce qui a fonctionné pour le rugby masculin. Cela aura, j’en suis certain, un effet catalyseur sur la pratique des femmes à tous les niveaux de jeu.

Cinquièmement, nous allons redoubler d’efforts et d’investissements dans la formation au niveau amateur et professionnel. Ces formations portant sur les chocs à la tête et la santé en général seront dispensées via des applications et des sites web dédiés. Ils disposeront des toutes dernières informations disponibles et des documentations sur la santé du cerveau ainsi que sur les programmes de prévention Tackle Ready et Activate. 

Enfin et surtout, nous continuerons d’écouter et d’interagir avec la famille du rugby, et nous prendrons des mesures en conséquence. Nous avons déjà eu des conversations constructives avec des joueurs actuels et anciens ainsi qu’avec des groupes comme Progressive Rugby. Nous partageons tous ce même amour du sport, et nous voulons considérer toutes les opinions lorsqu’il s’agit de veiller à l’avenir du ballon ovale. Pour sa légitimité et sa croissance, aujourd'hui et dans le futur, nous serons toujours à l’écoute.

Un exemple concret de notre engagement s’incarne aujourd’hui dans le financement d’un programme mondial d’experts indépendants sur les commotions qui aidera les médecins d'équipe à évaluer la pertinence du retour au jeu après une commotion. Ces experts ne seront affiliés à aucune nation et pourront être en mesure de décider quand les joueurs de l’élite seront aptes à reprendre la pratique. Ils apporteront également aux joueurs un suivi de soins individualisé.

Après avoir passé une grande partie de ma vie dans le rugby, mon objectif partagé aujourd’hui avec le président Sir Bill Beaumont est que chaque parent, à travers le monde, voit dans le rugby un sport idéal pour leurs filles et leurs fils. Qu’ils y voient les bienfaits, tant sur le terrain qu’en dehors. C’est en tout cas le chemin que nous empruntons, guidé par cet engagement. Et la porte restera toujours ouverte.

Bernard Laporte est le Vice-Président de World Rugby, ancien joueur et manager en club et à la tête du XV de France, ainsi que l’actuel président de la Fédération Française de Rugby.