Si vous voulez comprendre l'impact que peut avoir une participation aux Jeux olympiques sur un sport et un pays, ne cherchez pas plus loin que la Colombie.
En se qualifiant pour Rio 2016 à la surprise générale, le rugby féminin colombien a acquis une nouvelle orientation et une nouvelle stature dans ce pays d'Amérique du Sud ; les choses n'ont fait que grandir depuis.
Avec le Brésil, leader éternel dans cette région et déjà qualifié en tant que pays hôte, l'Argentine, qui jouait à domicile dans le tournoi de qualification à Santa Fe, était le candidat évident.
Les joueuses de l’Argentine ont d’ailleurs mené tout au long du match, mais n'ont jamais vraiment réussi à se détacher nettement de leurs adversaires. Une joueuse a marché sur la ligne de touche ce qui a invalidé ce qui devait être l’essai de la victoire. A quelques secondes de la fin de la rencontre, la Colombie a saisi l’opportunité et décroché son billet pour Rio.
« Nous n'oublierons jamais la joie de cette qualification. Cette finale était de la pure folie ! », se souvient Camila Lopera auprès de World Rugby.
À 26 ans, Camila est la joueuse la plus âgée d'une équipe qui tentera à nouveau de se qualifier, cette fois lors du tournoi de qualification olympique à Monaco. L'opposition peut être plus féroce cette fois-ci, mais l'objectif est toujours le même, et l'équipe sera d’autant plus motivée qu’elle sait ce que représente une participation aux JO, comme ce fut le cas il y a cinq ans à Rio.
Une opportunité en or
« Rio a généré plus de développement et de soutien pour nous en tant que joueuses avec des kinés, du personnel médical, du soutien nutritionnel, un soutien financier et éducatif même », énumère Camila Lopera en regardant son poignet droit où les anneaux olympiques sont tatoués ; souvenir de l'événement et rappel quotidien pour la ramener là-bas une fois de plus.
« En le regardant, cela me rappelle l'expérience, ça me parle de résilience. Aller aux Jeux a été un grand triomphe, mais le processus qui nous y a conduit a été plus important. »
Les souvenirs de la plus grande scène internationale ne manquent pas, même si les Colombiennes n'ont remporté aucun match. « Ce dernier jour toutes ensemble, heureuses et fières d'avoir pu représenter notre pays... Rencontrer Michael Phelps... Nous avons profiter de chaque seconde toutes ensemble en marchant côte à côte sur le terrain. »
Pour David Jaramillo, sélectionneur colombien depuis 2017 et l'un des meilleurs esprits rugbistiques de son pays, « disputer les Jeux de 2016 nous a mis au point, nous a permis de quitter le fond de la salle et d'être placés au premier rang. Les écoles et les universités, World Rugby et Sudamerica Rugby ont commencé à nous prêter davantage attention. Ils nous ont tous aidés à grandir et nous ont permis de remporter la médaille panaméricaine. »
Si cette dernière victoire contre l'Argentine en 2015 a appris quelque chose à l'équipe, c'est que chaque seconde compte et qu’il est primordial de n’en laisser échapper aucune.
« C'est comme ça qu'on se prépare. Nous travaillons pour jouer chaque seconde, pour rester concentrés », explique David Jaramillo, qui a également emmené son pays à la quatrième place aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires il y a trois ans.
« La fatigue mentale est quelque chose sur lequel on travaille, pour pouvoir gérer les derniers instants. »
Une autre étape clé dans la croissance du rugby colombien a été de remporter le bronze aux Jeux panaméricains de 2019. Après avoir fait match nul avec le Brésil – équipe jusque-là invaincue face à des adversaires d’Amérique du Sud – grâce au dernier coup de pied de Lopera, les Colombiennes sont entrées dans le temps additionnel où, une fois encore, Lopera a marqué l'essai de la victoire.
En route vers Monaco
Comme pour toutes les autres équipes, la pandémie de Covid-19 a perturbé la préparation. Mais l’entraîneur assure que l'engagement des joueuses dans la préparation n'a jamais faibli. En fait, chacune fait partie de l'équipe à quinze qui jouera bientôt contre le Kenya pour une place à la Coupe du Monde de Rugby 2021.
« Notre dernière préparation pour Monaco s'est déroulée à Atlanta, après une invitation à participer à un tournoi universitaire à Life University, en Géorgie, États-Unis », rappelle David Jaramillo.
Bien que neuf mois se soient écoulés depuis leur dernier match en équipe et que certaines joueuses n'aient plus joué en compétition depuis novembre 2019, ces douze jours aux États-Unis ont été plus que productifs.
« Nous avons réussi à gagner le tournoi, en battant Life en demi-finale et en remportant une finale difficile face à Lindenwood. L'objectif était juste de revenir à la compétition – après si longtemps sans savoir où nous en étions. »
Avec deux Olympiennes et six Olympiennes de la Jeunesse dans ses rangs, cette équipe de Colombie est expérimentée malgré son jeune âge. Mais Monaco ne sera pas facile avec la France, Hongkong et Madagascar dans la même poule.
« La France aurait dû se qualifier directement », estime Jaramillo. « Pour nous, ce tournoi est un grand point d'interrogation : est-ce qu’on sera au même niveau que Hongkong et Madagascar ? Un point d'interrogation, ce n’est ni bon, ni mauvais. Vous ne savez pas à quoi vous attendre ; vous devez vous préparer pour votre propre jeu, il s'agit de faire le job. »
« Nous allons y aller étape par étape, un match à la fois », ajoute Camila Lopera. « Chaque match sera un nouveau défi à relever.
« Tokyo est le rêve pour nous ; mais nous devons d'abord relever ces défis. »
Photo : José Romelo Lagman / Americas Rugby