Lorsqu'il a pris le poste d'entraîneur vers la fin de 2019, Tomás Bongiorno avait de grands projets et des objectifs clairs pour l'équipe féminine de rugby à sept d’Argentine.
Lors de son premier tournoi, le Sudamericamo de Sevens annuel de Montevideo, en Uruguay, il a effectivement semblé que l'Argentine parvenait à combler l'écart qu’elle avait sur le Brésil, l’équipe leader de la région.
« Nous avons failli gagner, et c'était une grande motivation car je pensais qu’elles étaient bien meilleures que nous », se rappelle Tomás Bongiorno depuis sa ville natale de Cordoue. « Il y a beaucoup de différences entre nous, mais dans ce tournoi, on ne les a pas vues. »
Peu de temps après, l’équipe a remporté un tournoi de Beach Rugby à Rio de Janeiro. Et puis, la pandémie de Covid-19 a frappé.
S’adapter
« À partir de mars 2020, tout a été en virtuel. Au départ, nous avions organisé quatre séances d'entraînement par semaine – avec des programmes de fitness adaptés en tenant compte de l'espace dont disposaient les joueuses à la maison et du matériel qu’elles pouvaient trouver », explique le coach.
Tout au long de 2020 et 2021, Argentina 7s a travaillé avec un groupe de 40 joueuses. Dès que les confinements successifs ont commencé à s'assouplir, « nous avons commencé à travailler sur le contact. Même aujourd'hui, c'est notre priorité absolue car c'est le maillon le plus faible de l'ensemble du processus », constate Bongiorno.
Chaque joueuse a fait de son mieux. Seulement deux d’entre elles ont été incapables de répondre aux exigences de la nouvelle configuration. « Nous avons gardé un groupe engagé et solide », poursuit Tomás Bongiorno.
Le retour sur le terrain
L'Argentine n'a repris le chemin des compétitions qu'en novembre 2020 lors du tournoi Valentin Martínez à Montevideo, qui fait également office de tournoi sud-américain. Et elles l'ont fait avec une équipe jeune « pour récompenser l'engagement de nombreuses joueuses qui ont travaillé sans relâche et avec la nécessité de donner aux nouvelles un aperçu de ce qu’est une compétition internationale », précise Bongiorno.
Après s'être rendu en Uruguay trois semaines plus tôt pour préparer l'équipe, deux tests positifs au Covid-19 ont tout compliqué.
« Nous avons été enfermés pendant 28 jours dans un hôtel, autorisés uniquement à aller nous entraîner et à revenir. C'était dur, mais plus dur encore pour les deux filles qui n’ont pas pu quitter leur chambre. Elles étaient toutes seules, dans le doute et la crainte quant à la gravité du Covid. Heureusement, elles n'ont développé aucun symptôme. »
L'objectif du tournoi était de renforcer l'équipe et elles ont terminé à la cinquième place.
Sur la route de Monaco
Avec le déplacement en Principauté en tête, l'Argentine a organisé deux stages de préparation de 10 jours chacun à Tucumán en début d’année avec 16 joueuses. Mais le Covid a empêché de se retrouver à d’autres moments, mettant un peu plus de pression d’un point de vue logistique sur le déplacement à Monaco.
« Rien ne s’est passé comme prévu ; il n’y a pas eu de scénario idéal. Mais ça a touché toutes les équipes de la même façon… »
Un point sur lequel s’accorde Gime Mattus, capitaine de l’équipe féminine depuis fin 2019. Elle a découvert le rugby à Chilecito, une petite ville d'environ 30 000 habitants située là où les Andes commencent. À 14 ans, il y a neuf ans, elle fréquentait le seul club de la ville, le Nevado RC ; aujourd’hui, la ville compte trois clubs féminins.
« Je suis devenue sportive et joueuse dans un petit club modeste et ça m'a marquée. J'ai dû le quitter en 2018 pour poursuivre dans le haut niveau avec la fédération argentine de rugby et j’ai déménagé à Tucumán », explique Gime qui joue dans l’équipe nationale depuis trois ans.
Focaliser sur Tokyo
Avec les clubs et les salles de gym fermés ou parfois ouverts jusqu’à 17h à Catamarca, la ville dans laquelle Gime Mattus a récemment déménagé, Monaco semble un monde à part.
« Ce sera un tournoi très difficile. Nous nous sommes préparées à cela, physiquement et mentalement. Il va falloir en profiter car ce sera notre première sortie depuis longtemps.
« Nous allons essayer de quitter l'Argentine à notre meilleur niveau. Nous avons des équipes fortes dans notre poule, comme la Russie. Les jouer nous fera du bien et nous fera savoir si nous nous sommes améliorées. »
Tomás Bongiorno ajoute : « On verra sur le tournoi et à Tokyo si notre préparation a été suffisante. La Russie et la France ont disputé des tournois difficiles contre des adversaires de premier plan – à Madrid et à Dubaï – et ça les rend plus forts, forcément. »
« L’espoir de se qualifier pour Tokyo ne nous quitte pas », assure la capitaine. « Nous allons monter en puissance match après match. L’objectif est de progresser jusqu’à la dernière journée et de prendre chaque match l’un après l’autre. »
« Cette équipe a travaillé à 120 % de ses possibilités, sans baisser les bras. Nous visons l'exploit ! », insiste l’entraîneur.
« Les joueuses savent que les exploits existent. C’est pour ça que nous nous sommes préparés. Et pour y parvenir, nous montrerons le même sacrifice et le même engagement qu’elles ont montré en 2020. »
Crédit photo : José Romelo Lagman/Rugby Americas