A elles trois, elles ont constitué l’une des puissantes armes du XV de France féminin promo 2021, un trident menaçant qui a fait trembler les défenses adverses : les trois-quarts aile Caroline Boujard et Cyrielle Banet associées à l’arrière Emilie Boulard. Elles ont été alignées sur deux des trois rencontres du Tournoi des Six Nations féminin 2021, contre l’Irlande (victoire 56-15) et l’Angleterre (défaite 10-6). Sur le match contre le Pays de Galles (victoire 53-0), c’est Marine Ménager qui remplaçait Cyrielle Banet.
Au cours de cette campagne ambitieuse et audacieuse de six semaines les plaçant dans les conditions psychologiques et sportives d’une Coupe du Monde de Rugby, elles ont su mieux se connaître et constituer un trio redoutable alors qu’elles n’avaient jamais joué tous les trois ensembles. Certes Caroline Boujard (42 sélections) et Cyrielle Banet (18 sélections) sont coéquipières à Montpellier depuis 2014, mais Emilie Boulard (21 ans), arrière de Chilly-Mazarin, ne comptait aucune expérience internationale avant le coup d’envoi du Tournoi 2021 (elle en compte trois désormais).
« Caroline et Cyrielle, ce sont des filles que tu n’aimerais pas avoir en face de toi, surtout en un contre un », prévient Emilie Boulard. « Je pense qu’elles font peur à beaucoup de monde. Elles galopent fort, elles ont des raffuts assez incroyables, surtout Cyrielle ; Caroline court hyper vite. Ce sont de très bonnes joueuses. Ce sont des filles qu’on prend en exemple. Tout le monde a envie d’arriver à leur niveau et d’avoir leur carrière. »
« Il y a tout de suite eu une bonne alchimie et on a réussi à tout de suite bien se trouver avec Emilie », assure Caroline Boujard. « Et pourtant, ce n’était pas particulièrement facile pour quelqu’un qui venait d’arriver parce qu’il faut souvent des années d’expérience pour bien connaître l’autre et elle a pourtant réussi à très bien s’adapter. C’est assez rare. »
« Emilie est déjà dans le Pôle France depuis quelques années, dans le haut niveau, mais c’est vrai qu’elle est arrivée avec nous peu de temps avant », ajoute Cyrielle Banet. « On n’a pas du tout senti qu’elle était une novice. C’est une question d’instinct et de spontanéité. Elle s’est mise dans le moule direct, dans le projet de jeu. Elle a un jeu très libre. »
L’alchimie a pris très vite
Si certains l’ont vue débarqué de nulle part dans cette équipe, c’est peut-être aussi parce qu’Emilie Boulard est arrivée un peu tard dans le rugby, au lycée. « J’étais dans un lycée agricole et généralement le rugby est le sport de prédilection dans les lycées agricoles », sourit-elle. Elle cherchait un sport d’équipe, un sport à pratiquer avec les copines avec qui elle était à l’internat. Et c’est comme ça que le rugby s’est présenté à elle.
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« On était très proches, très soudées, on n’avait pas peur de se faire mal », dit-elle. Très active, elle a vécu une ascension fulgurante. En club en septembre 2017, elle est vite repérée et intègre la filière du haut niveau française l’année suivante. Début 2019, elle joue avec les U20, part en tournée en Australie et Nouvelle-Zélande avec France 7 développement, participe aux JO universitaires en juillet 2019. Son arrivée dans le XV de France n’est retardée qu’à cause d’une pandémie qui freine (un tout petit peu) sa trajectoire.
« C’est une joueuse de talent et nos profils sont assez identiques avec beaucoup de vitesse, des prises d’intervalle et je pense que c’est pour ça que l’alchimie a bien pris », analyse Caroline Boujard qui ne craint pas la concurrence. « J’ai un poste de prédilection, le 15, que j’apprécie énormément, mais jouer à l’aile, ça me convient totalement, surtout quand des Tournois se passent comme ça. La polyvalence est un avantage. »
« Pour des joueuses comme Caroline et moi, ce que veut que souhaite mettre en place le staff est un jeu qui s’adapte très bien », abonde Cyrielle Banet. « On est très libre dans la prise d’initiative, ce qui est hyper agréable quand tu veux prendre du plaisir à jouer. Le staff nous pousse à faire des choix, et peu importe s’il est bon ou mauvais, au moins il est fait à fond. Sur notre trident arrière, comme nous sommes des joueuses d’instinct, on essaie de se dépatouiller avec les espaces qu’on a, c’est un jeu qui nous correspond totalement. »
La force du collectif
Il est toujours difficile d’isoler telle ou telle joueuse d’une équipe tant la force du collectif est primordiale à toute action. Et lorsque Cyrielle parle de « trident », c’est bien toute l’image qui en ressort : trois pics soutenus par un même axe solide. C’est ainsi que le voit aussi Caroline Boujard, meilleure marqueuse d’essais du Six Nations féminin 2021 et membre de l’équipe-type du Tournoi avec six autres Françaises.
« Ce n’est pas tant une satisfaction pour moi que pour l’équipe car si on regarde un peu, pour 80% de mes essais, je n’ai pas fait grand-chose », tempère la trois-quarts aile, jouant à droite contre le Pays de Galles et l’Irlande, mais à gauche contre l’Angleterre. « J’ai juste finalisé l’action. Pour l’équipe c’est bien, mais pour moi ça ne change rien. La bonne dynamique de l’équipe et du groupe a fait qu’on a pu vite concrétiser, c’était génial. »
A elles trois, elles ont marqué 9 des 15 essais du XV de France féminin en trois rencontres sur le Tournoi. A un peu plus d’un an de la Coupe du Monde de Rugby en Nouvelle-Zélande, les Françaises sont passées par toutes les émotions, jusqu’à la déception de voir leur échapper le titre dans les dernières minutes contre l’Angleterre. Mais toutes ces expériences participent à la légende de ce XV unique.
« Je me suis servie de toutes ces expériences, j’ai pris tout ce qu’il y avait à prendre », admet Emilie Boulard. « Ça a été dur au début parce que je n’avais pas le niveau, je n’avais pas l’expérience rugby, j’étais un peu à la traîne techniquement. Et au final, me retrouver au contact des meilleures m’a beaucoup aidé et j’ai pu progresser très vite. »
Un esprit de solidarité qui s’est renforcé
Le choix du groupe de vivre en vase clos pendant six semaines, dans une bulle sanitaire certes imposée par la pandémie de Covid-19, a cependant solidifié les liens entre toutes et a été une expérience en soi inestimable à un an et demi de la RWC 2021 en Nouvelle-Zélande.
« On était toutes dans le même bateau ; on vivait toutes la même chose. Être six semaines ensemble, ce Tournoi, des victoires, des défaites… tout ça nous a fait nous rendre compte de la vraie solidarité qu’on a créée entre nous et ça se ressent beaucoup sur le terrain, sur des moments où on défend pendant très longtemps, où on avance systématiquement. Je pense que tout cela a permis de développer encore plus le potentiel collectif qu’avait cette équipe », constate Cyrielle Banet.
Désormais, l’actualité du rugby féminin français se concentre sur les phases finales du championnat national tandis que l’activité compétitive internationale ne reprendra pas avant plusieurs mois. Mais Caroline Boujard, Cyrielle Banet et Emilie Boulard espèrent bien faire partie du groupe qui se rendra à Auckland et Whangarei en 2022.
« Pour toutes les sportives, ça reste un objectif de faire un grand événement comme ça. Si j’ai la chance de faire la Coupe du Monde l’année prochaine, ce sera tant mieux pour moi, sinon j’essaierai de tout donner pour y aller dans quatre ans », promet Emilie Boulard.
« Le report de cette Coupe du Monde nous embête, mais ça nous donne aussi une année supplémentaire pour travailler, ce qui n’est pas négligeable », rappelle Caroline Boujard. « Je n’ai jamais douté de mon équipe. Là, on a passé un cap mentalement en faisant quatre grosses performances d’affilée. Je pense que le groupe est en train d’évoluer de grandir et c’est ça le plus important dans notre Tournoi. Je ne doute pas que l’on puisse gagner cette Coupe du Monde. On a les armes. »
Et le trident en fait partie…