Pour Jessy Trémoulière, tout a commencé par un simple coup de fil. Lorsqu’elle est contactée par le comité d’organisation de la Coupe du Monde de Rugby France 2023, elle ne se doute pas alors pas qu’on va lui proposer de siéger au sein du Comité des Joueurs présidé par la légende du rugby australien, John Eales.
« Ils souhaitaient mettre une femme qui avait, entre guillemets, un palmarès assez conséquent et il se sont tournés vers moi ; j’ai tout de suite donné mon accord », raconte Jessy Trémoulière à World Rugby. « Je suis très contente qu’ils aient retenu mon nom car il y a d’autres filles en équipe de France qui ont un beau palmarès. »
Désignée Joueuse de l’Année 2018 puis Joueuse de la Décennie un an plus tard aux World Rugby Awards, l’arrière du XV de France féminin aux 64 sélections semblait être la personne toute désignée pour siéger aux côtés des grandes personnalités du rugby qui composent ce comité.
John Eales, double vainqueur de la Coupe du Monde de Rugby avec l’équipe d’Australie (1991, 1999), membre du World Rugby Hall of Fame depuis 2007 et ancien capitaine des Wallabies (86 sélections) se voit entouré des Français Philippe Sella (111 sélections) et Yannick Jauzion (73 sélections), du Gallois Gareth Thomas (100 sélections) et de l’Australien David Pocock (83 sélections).
« Tous les membres de ce comité sont de grandes personnalités, ce sont des emblématiques, ils ont connu de grands événements », constate Jessy Trémoulière. « Je suis très contente de faire partie de cette aventure et de cette Coupe du Monde, c’est un immense événement.
Un engagement sur les terrains et en dehors👊
— Rugby World Cup France 2023 (@France2023) April 22, 2021
@ClaudeATCHER, Directeur général de France2023, nous parle du rôle du Comité des Joueurs de la #RWC2023
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A commitment on and off the pitch. 👊@ClaudeATCHER, CEO of France2023, talks about the role of #RWC2023 Players' Committee pic.twitter.com/bTw66FYKVQ
« Ce sont des grands messieurs du rugby. Ça va faire drôle de se rencontrer. Il ne faut pas être pris par l’émotion mais penser au rôle que je vais avoir, apporter tout mon savoir-faire, ne pas être en tant que spectatrice ou prendre des photos avec eux. » Elle ne sera pas la seule féminine à siéger puisque Iesinga Vunipola, mère des internationaux anglais Mako et Billy, a également donné son accord.
A 28 ans, Jessy s’avoue impressionnée de se retrouver là. « Malheureusement, je n’ai pas trop connu John Eales en tant que joueur car je me suis mise un peu tard au rugby », avoue celle qui s’est depuis rattrapée en regardant des dizaines de vidéos des exploits de « Nobody ». « Ça donne envie de vivre à côté de son expérience, je pense qu’il peut apporter beaucoup au Comité. J’ai hâte de découvrir. »
Le boom du rugby féminin
Jessy Trémoulière n’a participé qu’à une seule Coupe du Monde de Rugby féminin, en 2014 en France. Blessée en 2017, elle avait laissé sa place à Montserrat Amédée en Irlande. Sa trajectoire a depuis suivi la courbe ascendante du rugby féminin en France et dans le monde, battant régulièrement des records en termes de fréquentation dans les stades comme d’audience à la télévision.
Le 10 mars 2018, un Crunch au Stade des Alpes à Grenoble avait rassemblé 17 740 fans ; un record absolu pour un match de rugby féminin. Six mois plus tard, les Bleues battaient les Black Ferns devant 17 102 spectateurs ; nouveau record. La finale du Tournoi des Six Nations féminin 2021 entre l’Angleterre et la France a enregistré une moyenne de 1,2 million de spectateurs sur la chaîne nationale France 2, avec une pointe à 1,7 million.
« C’est encourageant. Les gens aiment le rugby que l’on produit et même s’ils ne peuvent pas venir au stade en ce moment, ils continuent à nous suivre à la télé. J’ai beaucoup de retours sur les matchs qu’on a fait où les gens se sont amusés à nous regarder et c’est positif pour l’avenir », confie Jessy.
La force de ce collectif et cette abnégation ont fait que les Bleues se sont toujours définies comme « humbles et affamées ». Et Jessy Trémoulière en est la parfaire incarnation.
« Ce n’est pas parce que j’ai eu des titres assez importants dans ma carrière que, ça y est, je suis la plus forte, je suis la meilleure », tempère-t-elle. « C’est un peu l’éducation que j’ai reçue. Je ne me suis jamais crue arrivée parce que j’ai ma famille derrière qui me remet les pieds sur terre, même au niveau du staff de l’équipe de France ; parfois ils me le rappellent. D’ailleurs, même si j’ai eu ces titres, je suis remplaçante sur le Six Nations ! Il faut toujours faire ses preuves, continuer de travailler et ne pas considérer que tout est acquis. C’est ma mentalité. Se dire qu’on est arrivée ou être hautain n’emmène rien à personne et la vie peut nous rattraper. Je suis restée moi-même, c’est ma personnalité. »
Créer du lien entre les joueurs et les fans
Au sein du Comité des Joueurs, Jessy compte apporter son expérience, sa vision des choses. A raison de quelques visio-conférences par an – en attendant de se rencontrer ensemble lorsque la situation sanitaire le permettra – elle entend s’investir et apporter ses idées.
« Le rôle du Comité des Joueurs sera de créer un lien entre les spectateurs et les joueurs, de vivre cette Coupe du Monde pour tout le monde, voir ce que l’on peut mettre en place pour pas trop que ça pèse sur la concentration des joueurs, voir ce qui peut se faire entre ce que les joueurs pourraient nous faire remonter et les spectateurs, répondre à leurs attentes », dit-elle.
« Les spectateurs vont venir du monde entier et eux aussi vont vivre leur aventure. Pourquoi pas leur proposer de se rendre sur des entraînements, organiser des rencontres avec des joueurs, les faire discuter ensemble… que les spectateurs s’imprègnent de l’avant-match, par exemple que les joueurs traversent des bains de foule avant de rentrer dans le stade… Il y a des choses à mettre en place, il faudra réfléchir à tout ça.
« Je pense que tout le monde aura son mot à dire. Il faudra voir ce qui est envisageable de faire. Je pense que c’est important d’amener notre expérience, d’apporter notre œil féminin. Sans m’avancer, je pense que le Comité sera très attentif aux paroles des deux femmes qui seront représentées. On a notre grâce féminine à apporter et notre expérience car j’espère faire aussi partie de la Coupe du Monde de Rugby féminin en Nouvelle-Zélande en 2022 et rapporter de l’expérience de là-bas pour l’adapter en 2023.
« Vu le projet qu’il y a, ce sera une très grande Coupe du Monde. Et comme le principe est que chaque Coupe du Monde retient des bonnes choses de la précédente, espérons que ça donne des idées aux prochaines pour que les femmes soient encore plus représentées. »
Photo : France Rugby