A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, World Rugby a voulu mettre en lumière six figures féminines du rugby, six pionnières qui ont permis au rugby de se propager et de s'élever dans le monde entier au cours des quarante dernières années.
Modeste et discret au départ, le rugby féminin a progressivement réussi à se faire une place jusqu'à être diffusé aujourd'hui sur les grandes chaînes et à rassembler des millions de téléspectateurs dans le monde entier.
Et ces six femmes que nous avons choisi de mettre à l'honneur ne sont pas étrangères à cette révolution culturelle et sportive.
Marjorie Enya: “I’ve seen what rugby can do to women for women”https://t.co/7TYv9PgwLB pic.twitter.com/2iglh2m5aq
— World Rugby (@WorldRugby) November 3, 2018
Marjorie Enya (Brésil)
De son propre aveu, Marjorie Enya n'a pas été la plus performante qui soit en tant que joueuse. Ayant été initiée au rugby à l'université, elle a rejoint le São Paulo Athletic Club (SPAC) après avoir terminé ses études, mais a rapidement pris la décision de passer à l'administration, là où elle se sentait bien plus à l'aise.
« J'étais tellement nulle quand je jouais, mais je voulais à tout prix rester impliquée dans le rugby et je savais qu'il y avait aussi beaucoup d'opportunités en dehors du terrain », expliquait Marjorie à World Rugby en 2018.
De fait, elle a travaillé sans relâche pour tirer le meilleur parti de ces opportunités hors du terrain, passant du statut de bénévole à la Confederação Brasileira de Rugby (CBRu) à la direction de l'équipe nationale féminine.
En 2016, on l'a retrouvée aux Jeux Olympiques de Rio, où elle a brièvement fait sensation sur Internet après avoir fait sa demande à sa partenaire du moment – devenue depuis son épouse - la joueuse brésilienne, Isadora Cerullo.
Deux ans plus tard, Marjorie Enya a travaillé sur la Coupe du Monde de Rugby à Sept 2018 à San Francisco, et en 2019, elle est devenue l'une des premières récipiendaires de la bourse de leadership réservée aux femmes octroyée par World Rugby.
Elle arrive à trouver un équilibre entre ses obligations liées à la bourse et à ses engagements au sein du groupe de recherche olympique de São Paulo et du comité de développement de la CBRu.
Elle a continué ses études et a déménagé aux États-Unis en 2020 pour terminer une maîtrise à l'Académie internationale olympique. C'est lors de ses études en Caroline du Nord que Marjorie Enya a su qu'elle entrait au Conseil de World Rugby en tant que représentante de Sudamérica Rugby.
« Je m'efforce de contribuer à générer des changements pour l’amélioration du rugby féminin et du sport en général, tant dans la région que dans le reste du monde », a-t-elle déclaré.
Deborah Griffin (Angleterre)
Dès la fin du XIXe siècle on trouve trace de matchs d'exhibition de rugby féminin au Royaume-Uni, mais la véritable naissance du rugby féminin moderne en Grande-Bretagne pourrait être attribuée à un match auquel a participé Deborah Griffin à l'University College de Londres (UCL) en 1978.
Griffin et ses coéquipières n'avaient aucune idée que même les femmes pouvaient jouer au rugby avant cette rencontre avec le King’s College de Londres, mais la pratique s'est progressivement répandue dans les années qui ont suivi la rencontre.
En 1983, l’UCL a été l’un des 12 membres fondateurs de la Women's Rugby Football Union et, moins de 12 mois plus tard, Griffin participait à la création du premier club de rugby féminin en Angleterre, à Finchley RFC.
Deux ans plus tard, la WRFU a organisé son premier match international - la Grande-Bretagne s'est inclinée face à la France à l'Athletic Ground de Londres. C'est aux côtés de trois coéquipières de Richmond - Alice Cooper, Sue Dorrington et Mary Forsyth – que Deborah a organisé ensuite la première Coupe du Monde de Rugby féminin au Pays de Galles en 1991. Le comité d'organisation a dû faire face à de nombreux obstacles hors terrain pour réaliser ce tournoi qui continue de prospérer et de croître aujourd'hui.
Deborah Griffin reprendra son rôle dans l'organisation 19 ans plus tard, lorsque le tournoi féminin aura lieu en Angleterre pour la première fois, en 2010. Elle a ensuite siégé au conseil de la RFU entre 2010 et 2018, pendant deux mandats au conseil d'administration de la fédération et a été élue au Conseil de World Rugby en 2018.
En 2019, elle a été sélectionnée parmi les 15 « Inarrêtables » qui sont devenues ambassadrices de la première phase de la campagne de World Rugby « Essayez de nous Arrêter ».
« Je continue à penser qu'il y a toujours une grosse difficulté à attirer de plus en plus de filles dans le rugby et à valoriser le rugby féminin », assurait-elle alors. « Je suis sûre qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire pour en arriver là et je ne suis pas prête à m'arrêter avant qu'on y soit parvenu. »
Zenay Jordaan (Afrique du Sud)
Zenay Jordaan fait partie des premières joueuses en Afrique du Sud à avoir bénéficié d'un contrat professionnel. Toute son enfance a été bercée par cette ambiance rugby dans la région de Cap-Oriental.
Zenay avait l'habitude de se réveiller tôt pour regarder des matchs aux côtés de son père, avant de sortir pour mettre en pratique ce qu'elle avait vu à la télévision. Disputer des matchs au pied levé contre des garçons a éveillé un esprit de compétition chez la jeune fille, et elle y a trouvé un exutoire quand elle est tombée sur une équipe féminine locale.
Elle s'est rapidement épanouie et a attiré l'attention des sélecteurs internationaux en 2009, lorsqu'elle a fait ses débuts en Afrique du Sud à sept, un mois avant son 18e anniversaire. Zenay Jordaan a enchaîné avec sa toute première sélection internationale cinq mois plus tard.
Celle qui a été contrainte de mettre entre parenthèses une formation chez les pompiers pour signer son contrat professionnel, a depuis représenté son pays sur trois Coupes du Monde de Rugby à Sept et deux Coupes du Monde de Rugby. À 29 ans, elle est toujours en lice pour participer à un sixième tournoi mondial.
« J'ai pas mal pensé à tout ce qui s'était passé avant », nous confiait-elle il y a quelques mois. « Si j'avais la chance de participer à une sixième Coupe du Monde, ce serait extraordinaire. Mais si ça n'arrive pas, je saurais aussi que j'aurais fait ce que j'avais à faire, c'est à dire qualifier l'équipe pour la Coupe du Monde. Donc dans les deux cas, j'en serais fière. »
Noriko Kishida (Japon)
A en croire la brochure officielle de la Coupe du Monde de Rugby féminin 1991, le rugby féminin n'est apparu au Japon qu'au début des années 80 « grâce à un certain nombre de mères qui s'étaient lancées dans ce sport après avoir vu le plaisir que prenaient leurs fils ».
Noriko Kishida était l'une de ces mères. Elle n'a mis la main pour la première fois sur un ballon de rugby qu'à l'âge de 37 ans, mais avec un groupe d'amies elle a formé le Liberty Fields WRFC, l'équipe qui fournirait quinze joueuses à l'équipe nationale du Japon pour concourir au Pays de Galles.
Noriko Kishida, qui a été membre fondatrice de la Japan Women’s Rugby Football Union en 1988, est devenue de facto manager de l'équipe sur la route de Cardiff, assurant la liaison avec le comité d'organisation et prenant en charge les modalités de l'hébergement et des déplacements.
Elle avait 45 ans au moment du coup d'envoi du tournoi au Pays de Galles, mais était titulaire dans la première-ligne pour les deux matchs de poule du Japon, une défaite 62-0 contre la France suivie d'une autre 20-0 contre la Suède.
Kishida est revenue à la Coupe du Monde de Rugby en 2002, mais cette fois en tant que sélectionneur, préparant le Japon à des matchs contre l'Espagne, l'Italie, les Pays-Bas et l'Irlande.
Candi Orsini (États-Unis)
Candi Orsini se décrit comme une « enfant d'avant le Title-IX », ce qui signifie qu'elle est allée à l'école avant que la réforme de l'éducation aux États-Unis n'ouvre la voie à la pratique sportive féminine dans les écoles.
Frustrée par le manque d'occasions de jouer au lycée, elle est arrivée à la Florida State University (FSU) en 1975 avec l'envie décuplée de pratiquer un maximum de sports d'équipe. C'est ainsi qu'elle s'est investie dans les équipes de softball, de volleyball et de rugby.
Candi Orsini a joué aux trois, mais c'est l'alchimie entre le défi physique et le défi mental apportée par le rugby qui lui a fait préférer le ballon ovale à toute autre forme.
« J'adore le défi physique ; j'aime vraiment ça », affirme-t-elle. « Mais quand vous le combinez avec le défi intellectuel, avec le fait que lorsque vous arrivez sur le terrain vous maîtrisez votre propre jeu, pour ainsi dire… c'est cette alchimie qui fait que j'en suis tombée amoureuse. »
Candi a joué pour la FSU pendant les 23 années qui ont suivi et s'est qualifiée pour 13 finales nationales pendant cette période. Elle a également été sélectionnée pour participer à une tournée en Angleterre et en France avec l’équipe des « Wiverns » en 1985, marquant neuf essais en seulement cinq sélections.
La centre a participé au premier test féminin des États-Unis - une défaite du Canada 22-3 en 1987 - et quatre ans plus tard a disputé les quatre matchs alors que l’équipe remportait la première Coupe du Monde de Rugby féminin au Pays de Galles. Bien qu'âgée de 34 ans au moment du triomphe à Cardiff, Candi a continué à représenter son pays sur deux autres Coupes du Monde de Rugby.
Après sa retraite, elle s'est tournée vers le coaching et s'est rendue à la Coupe du Monde de Rugby 2006 en tant qu'entraîneure-adjointe des Women's Eagles, qu'elle a ensuite dirigée en Angleterre 2010 en tant qu'entraîneure principale.
Candi Orsini a fait son entrée au US Rugby Hall of Fame en 2017 et a également occupé plusieurs postes d'entraîneure dans plusieurs équipes masculines aux États-Unis.
Farah Palmer (Nouvelle-Zélande)
Ils ont donné son nom à un tournoi, c'est dire ! Farah Palmer est le capitaine la plus titrée de l'histoire de la Coupe du Monde de Rugby, ayant mené les Black Ferns à trois titres entre 1998 et 2006.
Farah Palmer, qui a grandi au côté de Colin Meads qui, comme elle, a été intronisé au World Rugby Hall of Fame en 2014, a fait ses premiers pas sur un terrain de rugby lors d'un match féminin d’exhibition dans son village de Piopo.
Cependant, c'est à l'université de Dunedin que son talent de talonneur a explosé à la face des sélecteurs néo-zélandais. Si bien qu'en 1996 elle faisait ses débuts avec les Black Ferns contre l'Australie.
L'année suivante, Farah Palmer était nommé capitaine. Sous son brassard, entre 1997 et sa retraite en 2006, la Nouvelle-Zélande n’a perdu qu’un seul match, faisant d’elle la plus grande winner du pays.
Trois titres en Coupe du Monde de Rugby suivront également, battant les États-Unis lors de la finale de 1998, puis l'Angleterre en finale des éditions 2002 et 2006.
En reconnaissance de sa contribution au rugby, New Zealand Rugby (NZR) a renommé son championnat provincial féminin en « Farah Palmer Cup » en 2016.
En décembre de la même année, elle est devenue la première femme membre du conseil d'administration de la NZR à avoir été élue représentante maorie. En 2018, son discours passionné devant le Conseil de World Rugby a aidé la Nouvelle-Zélande à obtenir le droit d'organiser la Coupe du Monde de Rugby 2021.
Farah Palmer, titulaire d'un doctorat qu'elle a réussi à passer et à avoir entre ses deux premiers titres de championne du monde, travaille actuellement à l'Université de Massey en tant que maître de conférences et doyenne associée.
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