Ada Milby n'y croyait pas plus que ça. Du moins, diriger un jour la Philippine Rugby Football Union (PRFU) ne faisait pas partie de ses plans lorsqu'elle a choisi de revenir au pays en 2012.
A cette époque-là, le rugby était plus un moyen pour elle de rencontrer du monde aux Philippines où son frère est acteur et musicien. Ada, elle, venait de passer les dix années précédentes au service de l'US Army.
Dans un premier temps, elle raconte avoir subi « un choc des cultures » lorsqu'elle a vu les problématiques que les joueurs rencontraient pour utiliser aussi bien des équipements sportifs que des structures pour jouer et s'entraîner. Sa contribution à l'évolution du rugby philippin a commencé par cette question : « comment je peux aider ? »
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— Asia Rugby (@asiarugby) December 15, 2020
Progressivement elle a monté les échelons, s'installant au conseil d'administration de sa fédération, puis siégeant au Conseil de World Rugby, puis en étant nommée présidente du comité consultatif des femmes à Asia Rugby. Aujourd'hui, elle est la présidente de la fédération de rugby des Philippines.
« Si vous m'aviez demandé si un jour j'aurais envie de siéger à ce poste, je vous aurais sans aucun doute répondu par la négative », admet Ada Milby quand on lui pose la question.
« Pour moi, ça a même un petit côté irréel dans le sens où je suis encore relativement jeune et que je suis la première femme à diriger cette fédération.
« Mais en même temps, c'est aussi l'illustration de ce qu'est devenue la fédération en tant qu'organisation et comment nous avons évolué. On a ajouté de la diversité, on a développé nos équipes nationales et tout ça fonctionne très bien. »
Promouvoir la diversité
Ada Milby n'oublie pas le gros travail réalisé par son prédécesseur Rick Santos, mais reste consciente de la portée symbolique d'avoir une femme désormais aux commandes. Car même si la moitié du staff et de l'administratif de la fédération est féminine, Ada reste la seule femme membre du conseil d'administration. Et elle aimerait bien que d'autres la rejoignent.
« Il y a déjà eu beaucoup d'effort d'intégration réalisés », assure-t-elle. « Mais une chose que j'aimerais faire, c'est conduire une réforme profonde de notre gouvernance, sur le modèle de ce qu'a fait World Rugby, revoir notre constitution et nos règles.
« La fédération a été créée il y a 20 ans, mais est-ce qu'elle sert toujours aussi bien nos intérêts ? Comment peut-on faire mieux ? Comment peut-on aller plus loin et plus vite pour réaliser nos projets ? Et parallèlement à tout cela, j'aimerais voir comment on peut arriver à plus de diversité dans notre conseil.
« En fait, je suis pour l'instant la seule femme et malgré ça, chaque membre ne vient que d'une seule localité. Nous représentons 7 107 îles et tous les membres du conseil ne viennent que d'un endroit.
« C'est pour cela que j'aimerais que l'on étudie la possibilité d'avoir une meilleure représentativité de l'archipel des Philippines. L'intégration, ce n'est pas uniquement la diversité féminine, mais la diversité des régions, voir comment nous pouvons encore mieux représenter les intérêts de toute la communauté des Philippines. »
Ada Milby a été capitaine des Philippines à 7 et à XV et a touché du doigt les bienfaits de la diversité. A la fin de l'année 2017, elle même devenue la première femme à entrer au Conseil de World Rugby, au moment où le Board comptait faire de la place à 17 femmes autour de la table.
« Rien que le fait d'avoir des femmes dans la salle, que l'on parle ou pas d'ailleurs, j'ai l'impression que les conversations ne sont pas les mêmes ; juste en étant présentes », dit-elle.
Ses expériences lui ont forgé le caractère
Ada a grandi dans l'Ohio, entre un père américain et une mère philippine. Cet apprentissage de la jeunesse lui a donné les codes pour veiller aujourd'hui aux destinées de la fédération. Petite, elle a excellé en roller acrobatique, a joué au football américain au lycée, a elle-même été victime de discrimination du fait qu'elle soit une fille qui voulait jouer dans une équipe de garçons.
C'est lors de sa première année à l'université qu'elle a découvert le rugby, après quoi elle a intégré l'US Army où elle a fini sergent et s'est retrouvée en Irak.
« Toutes les expériences que j'ai vécues m'ont quelque part armée pour mieux appréhender ce que je vis aujourd'hui », reconnaît Ada. « Ça me permet de bien gérer les différentes situations et les différentes personnalités, hommes ou femmes peu importe. C'est juste une question de savoir gérer sous la pression et de prendre les bonnes décisions. »
Ada Milby s'avoue heureuse de contribuer à faire progresser le rugby aux Philippines et espère bien que d'autres filles suivront ses pas et s'engageront dans des postes à responsabilité.
« Je ressens un poids d'être la première femme à occuper ce poste », admet-elle. « J'espère que tout cela va motiver d'autres filles à faire de même.
« La première fois que j'ai joué au football américain, je n'ai rien eu à prouver à quiconque. J'avais 15 ans, j'étais encore une gamine, je voulais faire du sport, c'est tout. Je n'y ai pas prêté attention sur le coup, mais je pense que cette expérience m'a préparée pour la suite.
« Je ne pensais pas que si j'étais là c'était pour mon genre ou quoi que ce soit d'autre. Hommes et femmes ont les même droits de vivre leurs passions, de réaliser leurs rêves, de bousculer les normes sociales et culturelles. »
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