La victoire 25-15 de l'Argentine contre les All Blacks lors de la troisième journée du Tri Nations a été rendue possible grâce au meilleur rugby jamais pratiqué par los Pumas.
Jusqu'à cette date du samedi 14 novembre 2020 au Bankwest Stadium de Parramatta – désormais un lieu de pèlerinage pour tous les supporters de l'Argentine – jamais los Pumas n'avaient battu la Nouvelle-Zélande. Un match nul 21-21 en 1985 était la seule maigre bouée à laquelle ils pouvaient encore se référer. Il y a bien eu trois fois où le score avait été très serré, mais à chaque fois le score tournait en faveur des hommes en noir.
Avec ces deux places de mieux au classement mondial World Rugby, los Pumas peuvent se targuer d'avoir battu les plus fortes équipes de rugby au monde au moins une fois, comme l'ont d'ailleurs souligné les médias en Argentine. Et le contexte dans lequel ce match a pu être gagné rajoute encore un peu plus à sa légende...
Une préparation tout sauf idéale
« Un jour on écrira un livre sur ce match », a prédit l'entraîneur Mario Ledesma lors de la conférence de presse d'après-match.
La pandémie de Covid-19 a en effet affecté toutes les nations de rugby et singulièrement l'Amérique du Sud. Depuis les matches amicaux fin février début mars, plus aucun rugby n'a pu être pratiqué dans ce pays aux 125 000 joueurs. Le confinement sans fin en Argentine a plongé le rugby dans des abîmes et personne n'est sûr qu'on pourra l'en sortir d'ici l'été !
Tri Nations 2020 | New Zealand v Argentina - Rd 3 Highlights
— Super Rugby/Tri Nations (@SuperRugby) November 14, 2020
A passionate Argentina outfit has orchestrated one of rugby’s biggest-ever boilovers, @lospumas beating the New Zealand @AllBlacks for the first time in their history.#TriNations2020 #NZLvARG pic.twitter.com/T2AxRbCmn8
Les Jaguares, la franchise professionnelle gérée par la fédération, ont pu joué une paire de matches avant d'être démantelés. Cela a permis à un certain nombre de joueurs de quitter l'Argentine pour l'Europe, en laissant certains joueurs derrière, sans contrat et dans l'attente d'un allégement des restrictions.
Après avoir reçu une permission spéciale de la part du gouvernement, un large groupe a pu commencer un stage d'entraînement. Mais le Covid-19 s'est aussi invité et une vingtaine de joueurs et membres du staff ont été testés positifs.
Alors que l'Uruguay semblait un pays relativement épargné à ce moment-là, le groupe a pu se déplacer à Montevideo puis, un mois plus tard, partir en Australie une fois que le maintien du Tri Nations 2020 ait été confirmé.
S'en est suivie une troisième mise en quarantaine, ce qui a eu pour conséquence de solidifier les rapports dans le groupe qui s'en est sorti encore plus fort. Si bien que lorsque le groupe a pu se retrouver dans son intégralité – y compris avec les 13 joueurs qui sont venus d'Europe et à qui a été imposée une quarantaine stricte – toutes les planètes semblaient alignées...
Une machine à gagner
Ce n'est pas tant la victoire en elle-même qui a marqué, mais la façon avec laquelle l'Argentine a battu les All Blacks pour la première fois. Cette façon de garder le contrôle sur le match, de leur imposer leur rythme, de les empêcher de tenter, d'assurer une défense quasi imperméable. Nicolás Sánchez a été l'auteur des 25 points, mais chacun a pu jouer un rôle essentiel dans cette victoire.
Tous sont issus du programme de haute performance entamé en 2009. Nicolás Sánchez l'avait rejoint l'année suivante. Plus cette « usine » a grandi, plus les joueurs ont été identifiés dès leur plus jeune âge et intégrés aux programmes de haut niveau dans leur province respective avant de rejoindre les structures nationales, los Pumitas, les Jaguares, les Ceibos (une deuxième équipe pro qui a joué sur la première Superliga Americana de Rugby), Argentina XV ou l'équipe à 7.
Santiago Chocobares par exemple a fait ses débuts internationaux à Sydney à l'âge de 21 ans après avoir passé deux saisons avec les moins de 20 ans argentins. Son passage dans l'équipe senior ne s'est pas déroulé dans les meilleures conditions, mais il était prêt, comme il l'a montré à chaque plaquage, à chaque course, à chaque passe.
« Des joueurs comme Chocobares sont en train d'arriver. On a beaucoup de jeunes qui arrivent et ce sont eux le futur du rugby argentin », plaide Mario Ledesma. Car seulement une poignée des 45 joueurs qu'il a emmenés avec lui en Australie n'ont pas joué avec les U20.
Prochains sur la liste : les Wallabies
« Maintenant, on est focalisé sur l'Australie. Après le match, évidemment on a fêté la victoire comme on se devait de le faire, mais juste après on a tout de suite pensé à l'Australie », explique Matías Orlando. « Je suis sûr que les trois prochains matches seront plus difficiles que celui-ci car ils auront eu le temps de bien étudier nos stratégies. »
D'ailleurs, la stratégie de l'Argentine était simple : une défense féroce avec de l'agressivité dans toutes les actions, gagner la possession et pratiquer un jeu au pied qui force les All Blacks à sans cesse modifier leurs propres tactiques.
« Peut-être que le fait de ne pas avoir joué avant a été un avantage dans le sens où on n'a pas dévoilé notre jeu. Mais désormais notre jeu est plus visible, les équipes savent ce qu'il faut faire, mais nous devons être prêts et viser plus haut. »
Pour se faire, Mario Ledesma est bien entouré dans son staff avec cinq anciens internationaux et un certain Michael Cheika. L'ancien entraîneur des Wallabies sur les deux précédentes Coupes du Monde de Rugby avait d'ailleurs Ledesma comme adjoint en Angleterre en 2015. Ils sont maintenant de nouveau réunis et Cheika a faim de victoire... même si c'est contre son propre pays.