Près de deux mois après avoir décroché la victoire en finale de la Coupe du Monde de Rugby 1995, Joel Stransky revient à Ellis Park avec le maillot des Springboks. Mais entre-temps, le rugby a basculé dans l'ère professionnelle.
Stransky est alors l'un des dix joueurs champions du monde à être titulaire pour cette rencontre face au pays de Galles, la première disputée depuis que l'International Rugby Board (l'IRB, aujourd'hui World Rugby) a déclaré le jeu « ouvert » au professionnalisme, une semaine avant.
A ce moment-là, pour le demi d'ouverture, le professionnalisme ne veut pas dire grand-chose. Lui est déjà pro dans son jeu, il donne déjà le meilleur de lui-même sur le terrain pour son équipe et son pays. La seule différence, c'est le chèque.
« Nous n'étions pas professionnels (avant le 26 août, ndlr), mais on se comportait comme tels, même si on devait bosser dans la journée », se souvient-il. « Notre fédération avait négocié qu'on puisse s'entraîner le matin et le soir. C'était assez arrangeant. En fait, notre façon d'être en tant que joueur n'a pas vraiment changé dans ce laps de temps (entre la finale de la RWC 1995 et le 26 août, ndlr).
Pile un mois avant ce drop légendaire (finale de la RWC 1995), Joel Stransky s'était déjà illustré en poule contre l'Australie
— Rugby World Cup (@RugbyWorldCupFR) April 10, 2020
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« Nous n'étions peut-être pas payés pour jouer au rugby, mais on s'entraînait toujours et on se préparait comme si on était professionnels. »
Ne pas prendre les Gallois à la légère
C'est dans ce contexte qu'est venu le test contre le pays de Galles qui, quelques mois auparavant, n'avait pas fait une Coupe du Monde très brillante (éliminé en poule après une seule victoire – contre le Japon – en trois matches) au contraire de l'Afrique du Sud.
« Si vous me branchez sur la finale de la Coupe du Monde, honnêtement, je ne me souviens plus très bien, j'ai quelques images, mais c'est tout. Et c'est la même chose avec ce match contre le pays de Galles », admet Stransky. « Je ne suis pas quelqu'un qui vit dans le passé. Je suis quelqu'un qui vit au jour le jour et qui pense à demain.
« Mais je me souviens de notre préparation avant cette rencontre et qu'on se disait que c'était une bonne équipe et qu'ils auraient mérité de faire mieux à la Coupe du Monde avec les joueurs qu'ils avaient. Nous sommes allés au match avec un réel sentiment d'anxiété sur un ou deux joueurs. »
En fait, on se souvient surtout du match par les deux incidents qu'il a produit : Cobus Wiese et Garin Jenkins ont pris chacun trente jours de suspension. Les Springboks avaient raison de craindre la réaction des Gallois avec un premier essai encaissé après trois minutes de jeu grâce à Mark Bennett.
Mais l'Afrique du Sud s'est finalement révélée trop forte pour l'équipe d'Alec Evans à qui elle a passé cinq essais et 15 points par Stransky pour gagner 40-11. « C'était une très belle journée, il y avait des conditions parfaites pour courir et faire circuler le ballon. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'on voulait en mettre plein la vue, je ne pense pas que c'était notre intention, mais on voulait montrer du bon rugby ce jour-là », raconte Joel Stransky.
Ne pas regarder en arrière
La philosophie de Stransky – aller de l'avant, ne pas regarder en arrière – l'a aidé à se sortir du choc post-Coupe du Monde. « Je pense que si vous regardez en arrière, vous restez en arrière. Il y a eu une paire de joueurs qui ont fait ça et qui ont eu du mal à reprendre le cours de leur vie après », assure Stransky.
« Pour moi, ce match contre le pays de Galles était une occasion de tourner la page et de rejouer au rugby contre une nation du tier 1 ; ça n'avait rien à voir avec ce qu'on avait fait avant. C'était profiter du moment présent et nous tourner vers l'avenir. »
Joel Stransky a cumulé 22 sélections pour les Springboks et marqué 240 points avant de changer d'hémisphère et de finir sa carrière avec les Leicester Tigers. Entrepreneur de talent avant et après le passage au professionnalisme, il est aujourd'hui directeur marketing dans un grand groupe de services technologiques.