C'est un nom qui est peu à peu tombé dans l'oubli mais qui, au début du XXe siècle, ne passe pas inaperçu. Constantin Henriquez est en effet considéré comme le premier sportif de couleur, le premier Afro-Caribéen, le premier Haïtien, champion olympique avec l’équipe de France. C'était en rugby, au JO de Paris en 1900.

Un sportif accompli

Sa date de naissance précise est inconnue. Son petit-fils, Lionel Henriquez, décédé en avril 2020, estimait sa naissance « vers 1876-1877 » à Port-de-Paix, en Haïti. Ce qui semble être sûr en revanche, c'est que son père député l'a envoyé en France en 1893 pour suivre des études dans le but de se spécialiser en médecine. C'est là, à plus de 7 300 km de chez lui, que Constantin Henriquez découvre le rugby pour la première fois.

A cette époque, Constantin est déjà un sportif accompli. Il se distingue notamment en athlétisme où il décroche un titre universitaire en saut à la perche après un saut à 2,60 mètres.

Dans le rugby, le jeune Haïtien s'épanouit et trouve concentré en un seul sport tout ce qu'il recherche : la course, les défis physiques, la stratégie et la camaraderie. Il se professionnalise assez vite et, comme beaucoup de joueurs à cette époque, est polyvalent, évoluant aussi bien à l'aile, qu'au centre ou en troisième-ligne. Il est vice-champion de France en 1895 avec l'Olympique, éphémère club parisien (1895-1902) avant que celui-ci fusionne avec le Racing club de France dont les couleurs ciel et blanc sont les mêmes.

Mais Constantin est surtout subjugué par les Jeux Olympiques qui, en 1896, renaissent à Athènes dans une version moderne sous la férule de Pierre de Coubertin. Constantin veut y participer, mais n'est pas retenu. Il n'abandonne pas l'idée et se promet d'en faire partie pour la deuxième édition qui sera à Paris en 1900. Sa chance, il sait comment la décrocher.

Dans le microcosme rugbystique de la capitale, tout le monde se connaît et les dirigeants des clubs sont également les fondateurs de l'Union des sociétés françaises de sports athlétiques (l'USFSA, qui deviendra plus tard la fédération française de rugby), dont fait justement partie le Baron Pierre de Coubertin. Ce sont eux qui vont être chargés de monter une équipe de rugby pour les Jeux olympiques. C'est dans cet environnement que le rêve de Constantin va se concrétiser.

Une médaille d'or en deux matches

A cette époque, le rugby à XV fait encore partie du programme olympique. Un tournoi est organisé entre trois équipes représentant la France, l'Allemagne et l'Angleterre au mois d'octobre 1900. Pour représenter la France, l'USFSA sélectionne les meilleurs joueurs de trois clubs : le Racing club de France, le Cosmopolitan Club et le Stade français où est alors licencié Constantin Henriquez et avec qui il deviendra champion de France en 1901.

Constantin est retenu dans l'équipe avec des joueurs tels que le racingman Frantz Reichel. C'est donc sous les couleurs de la France qu'il concourt pour les Jeux Olympiques, Haïti, son pays natal, n'ayant envoyé aucune délégation. Il porte alors les anneaux bleu et rouge de l'USFSA cousus sur son maillot blanc.

Après avoir battu l'Allemagne au vélodrome de Vincennes 27-17 le 14 octobre, la France bat l'Angleterre 27-8 deux semaines plus tard devant près de 6 000 personnes. Ce premier « crunch olympique » est un véritable succès et rempli les caisses des organisateurs. La France décroche la médaille d'or.

De retour au pays

Constantin Henriquez ne restera pas longtemps en France après cet épisode et s'investira toute sa vie durant dans le développement du sport en Haïti. La légende raconte que c'est lui qui a initié le pays à différents sports comme au football qu'il aurait introduit en 1904.

Selon la presse locale rapportant les propos de son petit-fils Lionel, il aurait entraîné l'athlète Sylvio Cator (médaille d'argent en saut en longueur aux JO d'Amsterdam en 1928 et recordman du monde à 7,93 m la même année) et le coureur André Théard (qui participa aux JO de 1924, 1928 et 1932).

Il fut le premier président du Comité Olympique Haïtien, élu en 1906 et réélu en 1912, date à laquelle sont créées l’Union Sportive Haïtienne (USH) et l’Union des Sociétés Haïtiennes (USSHIl). Constantin Henriquez, devenu médecin, décédera à Haïti en 1942.

À LIRE : 5 FAITS OUBLIÉS SUR LE PREMIER « CRUNCH » OLYMPIQUE