Ce n'est pas une coïncidence si la grande carrière de Juan Martín Hernández ait été menée en parallèle des plus belles heures du rugby argentin au cours de ces vingt dernières années. S'il fallait donner quelques dates-clés, on citerait d'emblée la victoire contre l'Angleterre à Twickenham en 2006, deux victoires contre la France et une performance majuscule contre l'Irlande à la Coupe du Monde de Rugby 2007, la première victoire de l'Argentine dans le Rugby Championship contre l'Australie en 2014, celle contre l'Afrique du Sud à Durban en 2015 et la confirmation de sa place parmi les plus grandes équipes avec cette victoire contre l'Irlande au Millennium Stadium de Cardiff à la Coupe du Monde de Rugby 2015.

Surnommé « Le Magicien » ou « El Mago » par la presse française qui n'a cessé de suivre et commenter son passage dans l'hexagone entre 2003 et 1015 – au Stade Français, au Racing Metro 93 et à Toulon – l'ancien international s'est retiré des terrains depuis deux ans maintenant.

Juan Martín Hernández aurait pu faire carrière dans le foot, sous l'influence de son papa et de son oncle qui avaient joué pour l'Argentine avec un certain Diego Maradona. Ou bien dans le hockey sur gazon comme sa grande sœur Maripi, double-médaillée olympique.

Bien des années plus tard, en 2007, le public du Parc des Princes saluera son troisième drop-goal du match à la 79e, celui qui renverra l'Irlande chez elle, par un vibrant « Maradona ». Peu de joueurs argentins peuvent s'enorgueillir d''avoir eu de tels hommages de fans majoritairement fans de foot.

« France 2007 a été exceptionnel », se souvient-il. « Déjà battre la France avait été un très bon début. Mais l'équipe s'était construite progressivement au cours des quatre précédentes années. »

Repositionné à l'ouverture

Juan Martín Hernández avait disputé son premier test quatre ans plus tôt (victoire contre le Paraguay 144-0!) et a été aligné arrière la plupart du temps. Mais pour sa deuxième Coupe du Monde de Rugby, il est repositionné à l'ouverture, son poste préféré, ce qui lui permettra de contribuer à obtenir cette médaille de bronze historique pour Los Pumas. L'Argentine venait de réaliser là un grand coup qui allait changer son histoire à jamais.

Avant cela, il y avait eu d'autres fameuses victoires contre la France – en Argentine et en France – mais aussi contre l'Angleterre à Twickenham en 2006. « Twickenham, mon terrain de jeu favori. C'est arrivé au bon moment pour l'équipe », sourit Juan Martín Hernández.

Buteur ambidextre, performant dans toutes ses relances, boîte à outils ultime pour une équipe qui, grâce à sa palette de skills, explose sur le terrain. Après deux victoires de Top 14 avec le Stade Français (2004 et 2007), il part jouer en Super Rugby avec les Sharks pour la Currie Cup 2009. Mais une blessure l'empêche de disputer sa troisième Coupe du Monde de Rugby, celle de 2011 en Nouvelle-Zélande.

Il revient néanmoins en forme pour disputer le Rugby Championship en 2012. « D'être encore dans l'équipe après trois saisons était important pour moi comme participer à ce nouveau format contre les meilleures équipes au monde », dit-il.

Résiliente, l'Argentine attendra le dernier match de sa troisième saison pour vivre sa première victoire, contre l'Australie, à Mendoza. « Après tant de défaites, il était bon de gagner enfin. J'ai joué premier centre et mon ami Horacio Agulla était deuxième centre. Ce fut un grand moment », se souvient-il.

Des souvenirs gravés dans le marbre

Il garde en tête d'autres moments gravés depuis dans le marbre. « Cette victoire à Durban en 2015 était énorme aussi. Nous avions passé la plupart du temps cette semaine-là avec la classe 1965 des Pumas, ceux qui avaient commencé à paver notre route. On fêtait le cinquantenaire de cette première tournée et c'était génial. De les entendre nous raconter des histoires, partager leur expérience et voir combien ils étaient heureux de se retrouver... Tout ça, ce sont des images qui restent. »

Celles de la victoire en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby 2015 contre l'Irlande aussi (43-20), son dernier gros match avec Los Pumas avec lesquels il a joué 74 fois. « Il y avait le plaisir de revivre une demi-finale après tant de travail, pour moi comme pour l'équipe. Je me sentais tellement bien ! »

Désormais entrepreneur dans les nouvelles technologies et le développement d'applications, Juan Martín Hernández a raccroché les crampons en 2018 après une nouvelle blessure qui nécessitait une nouvelle opération dont il n'était pas très fan.

« Je peux toujours jouer avec mes enfants, je fais du golf deux à trois fois par semaine et ça ne me fait pas mal », confie celui qui fêtera ses 38 ans dans deux mois.

« J'ai eu de la chance de vivre de si grands moments de rugby avec l'Argentine au cours des dernières années. J'ai pris beaucoup de plaisir et j'ai pu les partager avec mes amis. »