Pierre Brousset ne cache pas sa joie et sa fierté d’avoir été sélectionné par Joel Jutge, le patron des arbitres de World Rugby, pour faire partie du panel des arbitres sur le prochain Tournoi des Six Nations.

Il aura en charge une rencontre – au même titre que son compatriote Mathieu Raynal – à savoir le match Irlande – Italie le 11 février. Une joie pour celui qui regardait le Tournoi en famille devant la cheminée quand il était gamin. Et une fierté pour celui qui, un jour, a décidé d’arrêter de jouer pour arbitrer.

« Quand j'étais jeune, loin de moi l'idée de dire qu'un jour je serais au sifflet et comme je l'ai déjà dit dans le passé, je ne m’occupais même pas de la fonction d’arbitre quand je regardais les matchs », rigole-t-il.

« C'est vraiment arrivé sur le tard, sur les années minimes où j'ai arbitré les plateaux, mais vraiment par curiosité. Puis vers 17 ans et demi, je me suis dit pourquoi pas essayer ? Mais vraiment par hasard ! Et en fait, en un an, c'est devenu une passion. J'ai approfondi le travail et j'ai fait le choix d'arrêter de jouer pour essayer d'aller toucher le haut niveau. Et, chose extraordinaire, c’en est mon métier maintenant. »

« La Coupe du Monde, c’était fantastique »

Habitué de toutes les compétitions de clubs en France et en Europe, un peu de rugby à sept et de moins de 20 ans, Pierre n’a pour l’instant arbitré que huit tests depuis un Malte-Israël en 2017. Celui du 11 février prochain sera son tout premier au milieu d’équipe de nations établies.

C’est surtout depuis la touche que Pierre a officié toutes ces années, observant ses collègues avec professionnalisme et envie. Ainsi, sur la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France, il a été mobilisé sur sept rencontres.

« Pour ma part, c'était fantastique », se souvient-il, d’un ton enjoué. « Vivre sa première Coupe du monde en France dans des stades magnifiques, dans une ambiance incroyable, quel que soit le match… Je suis passé d’un Angleterre - Chili extraordinaire, à un Fidji - Portugal incroyable, tout en faisant Angleterre - Fidji en quarts de finale...

« Il y avait des matchs sur le papier qui s'annonçaient moins spectaculaires ou avec moins de standing, mais en fait, toutes les équipes ont produit un rugby agréable. Et l'atmosphère qu'il y avait autour de tous ces matchs ont rendu l'événement incroyable. Pour moi, c'était beaucoup de joie de pouvoir partager ça aussi avec des proches à certains moments. »

Peut-on dire alors qu’avec un tel CV où s’inscrivent les plus grandes compétitions du monde il a déjà presque tout fait ? « Je commence à avoir fait pas mal de choses, mais avoir tout fait, non », rectifie-t-il.

« C'est une étape supplémentaire cette année au centre du terrain, c'est une nouvelle étape. C'est quelque chose que je n'avais jamais fait, donc j’apprends avec beaucoup d'enthousiasme et j'espère qu'il y en aura d'autres derrière pour après pouvoir prétendre dire que j'ai tout fait. »

Objectif ultime : Australie 2027 ?

Sur son agenda personnel, évidemment, se profile aussi un autre objectif à plus long terme avec la Coupe du Monde de Rugby 2027 en Australie, alors qu’il aura 38 ans. Serait-ce l’objectif ultime, l’apothéose de sa carrière d’arbitrer au centre du plus grand évènement rugbystique au monde ?

« Ultime, je ne sais pas parce que quatre ans c’est à la fois court et long », répond-il après avoir marqué une pause. « Bien sûr qu'on part sur un nouveau cycle. Bien sûr que l’objectif à la sortie de cette Coupe du Monde-là était clair : maintenant je voulais être arbitre central, passer un cap supplémentaire ; un cap qui se fait dans la continuité, tout simplement.

« Je vais avoir cette opportunité-là, à moi de répondre présent. Je prends juste les matchs les uns après les autres, saison après saison et évoluer avec ces matchs-là. Parce que si je commence à penser à dans quatre ans, je peux louper des étapes. Et le but c'est justement d’être à être sélectionnable ou prétendre à l’être. »

A l’entendre, on croirait entendre un joueur de rugby qui prépare son prochain match avec un œil sur le précédent, mais sans sauter les étapes de crainte de trébucher. Au même titre qu’un joueur, l’arbitre recherche sans cesse l’excellence.

« La compétition revient rapidement, tous les samedis. D’un match à l’autre on peut faire des erreurs », admet-il. « Là, j'ai repris après la Coupe du monde, après quatre mois et demi sans avoir pris le sifflet. Le premier match s'est plutôt bien passé, le second moins bien ; en termes de management, je n'étais pas satisfait.

« Et en fait, on se dit qu’il faut s'y remettre, faut rebasculer, faut retravailler, faut reprendre les automatismes. Et c'est pour ça que si j'avais pensé par exemple tout de suite à la Coupe d'Europe, j'aurais fait fausse route et j'aurais loupé la marche suivante.

« En se concentrant d’un match à l’autre, il faut se servir des erreurs faites le week-end avant pour essayer de les gommer. Et c’est comme ça qu’on avance petit à petit et qui permet de renforcer l'expérience, la précision, la cohérence. »

« Montrer l’exemple »

Ce qui marque lorsque Pierre Brousset parle de son métier – il est à temps plein depuis 2018 à la fois pour la Fédération Française de rugby (FFR) et la Ligue Nationale du rugby (LNR) – c’est la passion de l’arbitrage qui émane de ses propos.

Plus que jamais, les arbitres sont de plus en plus scrutés, étudiés, voire malmenés, ce qui n’est pas sans poser de questions sur l’avenir. Pour Pierre, voilà une belle occasion de rassembler la communauté de rugby pour maintenir cette passion intacte.

« Je pense que tous les acteurs du rugby ont à préserver ce rôle-là et s’engager à maintenir ce respect qu'on a dans le rugby. Je pense que nous, côté arbitres, on a un rôle à jouer dans le sens où notre communication est importante, le fait d'accepter ou non les critiques. Et les acteurs, les joueurs, entraineurs ont également un rôle de maintien du respect envers l’arbitre, de non-critique des décisions pour montrer le bon exemple, tout simplement », affirme-t-il.